Expulsion de Leonarda : Valls sous le feu des critiques

François Hollande veut "y voir plus clair avant de commenter les faits"
François Hollande veut "y voir plus clair avant de commenter les faits" © REUTERS
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et Fabienne Cosnay avec AFP , modifié à
REACTIONS - Jean-Marc Ayrault annulera l'expulsion si "une faute a été commise".

RESUME - La polémique sur les propos de Manuel Valls sur les Roms vient à peine de s’éteindre qu’un nouveau front entre le ministre de l’Intérieur et un certain nombre de ses camarades socialistes s’ouvre. Il tient en un prénom : Leonarda. Cette jeune Kosovare de 15 ans a été expulsée le 9 octobre dernier. Mais c’est surtout les conditions de l’interpellation de l’adolescente qui ont choqué. Leonarda participait en effet à une sortie scolaire quand elle a été interpellée. L’hôte de la place Beauvau a beau tenter de se justifier, promettre de veiller "au respect des droits des étrangers", le malaise est profond et la crise est désormais remontée au plus haut sommet de l'Etat. Retour en trois actes sur cette polémique.

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ACTE I : le PS proteste

David Assouline 930x620

"Insupportable et inacceptable". Le porte-parole du Parti socialiste, David Assouline, a été l'un des premiers à s'émouvoir de l’affaire. "Les circonstances et les responsabilités qui ont amené la préfecture à prendre une telle décision doivent être clairement établies", a-t-il déclaré jugeant "choquantes" les conditions dans lesquelles cette élève de 3e de Pontarlier a été remise à la police. "Faire descendre d'un bus par les forces de l'ordre une élève devant l'ensemble de ses camarades de classe est insupportable et inacceptable", a-t-il estimé. Le député socialiste Pouria Amirshahi a de son côté exprimé son "effroi" et demandé "le retour immédiat de Leonarda ainsi que sa famille en France".

"Politique inhumaine". Les attaques les plus violentes sont venues comme souvent de la gauche de la gauche. Le Parti de gauche (PG) de Jean-Luc Mélenchon a fustigé mardi la "politique inhumaine" du ministre de l'Intérieur. "La lepénisation des esprits a décidément pris ses quartiers place Beauvau", peut-on encore lire dans un communiqué. A la mi-journée, le PG a carrément "exigé" la démission de Manuel Valls. De leur côté, les coprésidents du groupe écologiste à l'Assemblée, Barbara Pompili et François de Rugy, ont réclamé mercredi un réexamen du dossier de la famille de la collégienne, "en vue d'un retour rapide", condamnant "fermement les explications du ministère de l'Intérieur".

Une "rafle". Bernard Roman, député PS du Nard, est allé encore plus loin. "Je soutiens sans aucun problème la politique et le positionnement de Manuel Valls dans sa tâche de ministre de l'Intérieur. Mais il y a des limites au-delà desquelles on sort du champ de ce qui est acceptable pour la gauche, et là on l'a fait", a-t-il déclaré Bernard Roman dans les couloirs de l'Assemblée.  "Aller chercher un enfant dans une activité scolaire, ce n'est pas une expulsion, c'est une rafle. Ce n'est pas acceptable, et M. Valls ne doit pas accepter qu'un de ses préfets se dise ‘puisqu'il y a un avion à prendre, on va chercher un enfant dans un milieu scolaire’", a poursuivi le député, premier questeur (en charge des Finances) de l'Assemblée.

ACTE II : Valls assume

Valls assume et donne sa version... Manuel Valls a de son côté affirmé appliquer "avec fermeté les décisions d'éloignement tout en veillant scrupuleusement au respect des droits des étrangers qui font l'objet d'une mesure d'éloignement". Selon lui, le 9 octobre, lorsque la police aux frontières du Doubs et la gendarmerie "se sont rendues au domicile de la mère et des enfants pour assurer leur retour au Kosovo", où le père de famille avait été expulsé la veille, elles ont constaté que "l'une des enfants était absente".

"Un membre du comité de soutien de la famille a, en présence de la mère, appelé cette jeune fille sur son téléphone portable. Il a été convenu entre la famille, le représentant de son comité de soutien, l'enseignante en charge de la sortie scolaire et les forces de l'ordre de laisser la jeune fille sortir du bus afin de lui permettre de rejoindre sa famille dans le cadre de l'exécution de la mesure d'éloignement", a précisé le ministre dans un communiqué. "La jeune fille est descendue du bus pour attendre les fonctionnaires qui sont venus la prendre en charge", a-t-il ajouté, se bornant à affirmer qu'il s'agit d'une famille kosovare. Le ministre de l'Intérieur, qui a demandé depuis Lorient que "chacun garde son sang-froid", a tout de même annoncé l'ouverture d'une enquête administrative.

ACTE III : La polémique gagne les sommets

Ces justifications n'ont semble-t-il pas calmé les esprits à gauche. Pire, c'est au plus haut sommet de l'Etat que l'affaire est désormais commentée. Le président de l'Assemblée Claude Bartolone lui-même a réagi mercredi en milieu de matinée sur Twitter, rappelant que la gauche "ne saurait transiger avec les valeurs, sous peine de perdre son âme" :

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"Qu'on sanctuarise l'école". La réaction la plus forte est peut-être celle de Vincent Peillon. Le ministre de l'Education a réclamé mercredi "'qu'on sanctuarise l'école, qu'on garde nos principes de droits et nos principes d'humanité à l'avenir". "Il y a des règles de droit et puis il y a des principes qui sont ceux de la France. La sortie scolaire, c'est de la scolarité", a-t-il déclaré. "Je souhaite que ce genre de situation ne se renouvelle pas", a-t-il prévenu.

Hollande préfère temporiser. Le chef de l'Etat veut "y voir plus clair avant de commenter les faits", a fait savoir la porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem mercredi en fin de matinée. Officiellement, l'affaire n'a pas été évoquée en conseil des ministres.

Ayrault prend des engagements. Jean-Marc Ayrault a promis mercredi à l'Assemblée nationale que l'arrêté d'expulsion serait annulé si l'enquête administrative sur cet éloignement, dont les résultats seront connus "dans 48 heures", montrait qu'une "faute" avait été commise". "Cette famille reviendra pour que sa situation soit réexaminée en fonction de notre droit, de nos pratiques et de nos valeurs", a assuré le Premier ministre, interrogé à l'Assemblée par le président du groupe UMP, Christian Jacob.