Européennes : les sulfureux alliés du FN

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Le parti de Marine Le Pen s’est allié avec d’autres partis nationalistes européens. Qui franchissent parfois la ligne rouge.

Marine Le Pen et la Front national n’abordent pas seuls les élections européennes. Pour le parti d’extrême droite, l’objectif du scrutin est d'ailleurs double : arriver en tête au plan national et parvenir à créer un groupe d’eurosceptiques au sein du Parlement. Pour ce faire, le FN s’est rapproché d’autres partis populistes européens, afin de rassembler 25 eurodéputés, venus de sept pays différents, conditions nécessaire à la formation d’un groupe parlementaire à Strasbourg. Mais parmi les cinq alliés du FN d’ores et déjà déclarés, certains n'hésitent pas à franchir la ligne rouge.

• PVV (Parti pour la liberté, Pays-Bas)
C’est l’allié de la première heure du Front national. C’est en effet Marine Le Pen et Geert Wilders, dirigeant et fondateur du PVV néerlandais, qui ont lancé en novembre 2013 un appel commun aux autres partis populistes européens. Conservateur et libéral, le PVV a surtout un credo, qui vire parfois à l’obsession : lutter contre l’Islam. Cela a valu à son fondateur plusieurs dérapages mémorables.

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En mars 2008, Geert Wilders diffuse sur le Net un film de 17 minutes violemment anti-musulman, Fitna. Très critiqué, l’homme choisit l’offensive. "Je le dis de manière plus claire : ma culture est meilleure que la culture islamique. Nous ne traitons pas les femmes, les homosexuels, les relations politiques au sein de la société, comme cette culture attardée", déclare-t-il dans Le Figaro en mars 2008. Quelques jours plus tard, il compare le Coran à Mein Kampf et réclame l’interdiction du livre sacré de l’islam dans son pays.

Récemment encore, lors d’un meeting, Geert Wilders a harangué son public sur le thème de l'immigration cette fois : "boulez-vous plus ou moins de Marocains dans votre ville et aux Pays-Bas ?", a-t-il lancé à La Haye à la fin du mois de mars dernier. "Moins! Moins!", ont scandé ses partisans. "Nous allons nous en charger", a répondu le leader populiste. Une sortie qui a contraint Marine Le Pen à prendre (un peu) ses distances. "Je n'aurais pas tenu ces propos mais je considère que chacun est libre dans son pays de mener sa politique nationale", a rétorqué la présidente du FN sur RFI. "L'important est que nous ayons une vision commune sur l'UE".

• La Lega Nord (Ligue du Nord, Italie)
Peut-être le plus connu des alliés du FN, puisqu’il a un temps été associé au pouvoir dans différents gouvernements de Silvio Berlusconi. Si la raison d’être de la Ligue du Nord est, comme son nom l’indique, de réclamer l’autonomie des régions du nord du pays, son positionnement idéologique à l’extrême droite ne fait guère de doute.

Et c’est la ministre italienne de l’Intégration Cecile Kyenge, originaire du Congo, qui en a récemment fait les frais. Première ministre noire de l’histoire en Italie, elle est rapidement devenue la cible favorite de la Ligue du Nord. Parfois jusqu’au dérapage. En juillet 2013, Roberto Calderoli, vice-président du Sénat tout de même, lâchait ainsi lors d’une réunion de son parti : "Cecile Kyenge fait bien d'être ministre mais peut-être devrait-elle le faire dans son pays. J'aime les animaux (...) mais quand je vois les images de Kyenge, je ne peux m'empêcher de penser à des ressemblances avec un orang-outan, même si je ne dis pas qu'elle en soit un".

Avant lui, Agostino Pedrali, conseiller municipal Ligue du Nord, avait posté sur Facebook deux photos, l’une d’un singe, l’autre de la ministre, avec ce commentaire : "dites ce que vous voulez, mais  elle ressemble à un orang-outan. Allez, regardez bien."

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Un montage qui rappelle furieusement un autre, concernant Christiane Taubira cette fois, et qui avait valu à une candidate FN aux municipales l’exclusion du parti. Ce que Marine Le Pen n’accepte pas au plan national, la présidente du FN est semble-t-il aujourd'hui prête à le tolérer à l’échelon européen.

• FPÖ (Parti de la liberté, Autriche)
 Le FPÖ autrichien n’est pas non plus un inconnu. Une notoriété qu’il doit en grande partie à son ancien leader, mort en octobre 2008 dans un accident de voiture, Jörg Haider. L’homme, qui n’hésitait pas à faire l’éloge de la politique de l’emploi du Troisième Reich ou à vanter les mérites de la Waffen-SS, avait porté son parti jusqu’au pouvoir, associé à la droite, en 2000.

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Depuis la mort de son leader emblématique, qui avait passé la main quelques années avant, le positionnement nationaliste, anti-islam, voire xénophobe du FPÖ, désormais dirigé par Heinz-Christian Strache, ne s’est pas démenti. Dernière provocation en date : le 29 octobre 2013, lors de la première session du Parlement autrichien après les élections législatives, tous les élus du FPÖ ont arboré un bleuet sur leur boutonnière. Pour célébrer un mouvement libéral datant de 1848, jurent-ils. Mais personne n’a oublié que cette fleur était portée par les élus nazis autrichiens au Parlement jusqu’en 1933, en lieu et place de la croix gammée, alors interdite dans l’enceinte.

Par ailleurs, le bal annuel du FPÖ, où se mêlent allègrement négationnistes et nostalgiques du Troisième Reich, défraie régulièrement la chronique. Marine Le Pen, très critiquée pour s’y être rendue en 2012 en qualité d’invitée d’honneur, en sait quelque chose.

• Vlaams Belang (Belgique)
 Dans quelle langue vont bien pouvoir dialoguer Marine le Pen et les leaders du Vlaams Belang, le parti flamand séparatiste? D’un côté, la présidente du FN ne parle pas le néerlandais. De l’autre, les dirigeants du VB sont violemment anti-francophones. Le parti d’extrême droite prône ainsi, outre ses positions anti-immigration et anti-islam, l’interdiction pure et simple de la langue française sur le territoire flamand.

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Mais ce que veut prioritairement le Vlaams Belang, c’est, au nom du nationalisme pan-néerlandais, l’indépendance de la Flandre. Et de toute la Flandre, donc également de sa partie française. Cela devrait en toute logique plaire moyennement plaire au final au Front national.

• Le SD (Démocrates suédois, Suède)
 Sans aucun doute le moins connu des alliés du FN, mais tout aussi d’extrême droite. Nationalisme et lutte contre l’immigration sont les deux mamelles du Sverigedemokraterna (SD) comme de nombreux autres partis populistes européens.

Et comme les autres partis populistes, le SD suédois n’est pas épargné par des scandales qui en disent long sur l’idéologie de ses membres. Le plus marquant date de l’été 2010. Trois membres des SD, dont deux députés et un élu local, s’en prennent au petit matin à Soren Ismaïl, humoriste suédois d’origine kurde. L’homme est traité de "babbe" ("bougnoule") et d’ "anti-suédois". "Arrête de faire chier les Suédois par tes provocations", insiste l'un des trois hommes. Qui s’en prendront ensuite à un jeune homme puis à une passante. Ils se posent en victimes, mais sont confondus en 2012 par des vidéos postées dans la presse suédoise.
 

>>> Populistes, eurosceptiques, mais pas alliés au FN

Le FN compte donc actuellement cinq alliés au niveau européen. Mais on sait déjà que d’autres partis ne viendront pas compléter l’alliance. Pour la grecque Aube dorée et le Jobbik hongrois, deux formations volontiers ouvertement néo-nazies, la réticence vient du Front national. En revanche, l’Ukip britannique, qui pourrait arriver en tête aux européennes en Grande-Bretagne, a lui refusé tout net toute alliance avec le FN. Motif : "l’antisémitisme fait partie de l’ADN du FN". L’Ukip serait-elle plus regardante que le FN quant à ses partenaires européens ?

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