Démocratie participative : Royal inspire-t-elle la droite ?

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Sarkozy, Juppé ou Fillon demandent aux militants de participer à l'élaboration de leur programme. Et cela rappelle quelqu'un…

L'INFO. "La démocratie participative, ce n'est pas une nouvelle manière d'associer le peuple aux décisions qui le concernent. C'est juste la forme ultime de la démagogie". La sentence est signée Nicolas Sarkozy et remonte à mars 2007. Pourtant, sept ans plus tard, le candidat à la présidence de l'UMP reprend le concept à son compte. Et à droite, il est loin d'être le seul. De là à dire que l'opposition singe la candidate socialiste de 2007 - qui en avait fait un marqueur de sa stratégie politique -, il n'y a qu'un pas. On le franchit ?

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Internet, l'outil à la mode. D'abord, le constat. Alain Juppé a lancé un site d'initiatives citoyennes (photo) qui "participeront à co-construire le programme de réformes dont le pays a besoin". François Fillon, lui, a mis ses propositions en débat sur sa page Facebook et Bruno Le Maire se prête au jeu des questions directes sur Twitter. Quant à Nicolas Sarkozy, il est celui qui pousse la logique le plus loin. L'ancien président veut ainsi que les militants puissent choisir leurs candidats aux élections locales et nationales et qu'ils participent à l'élaboration du projet présidentiel pour 2017, notamment grâce à des votes sur Internet. Ségolène Royal, "on s’en est beaucoup moqué, mais aujourd’hui, on en tire les enseignements", reconnaît aujourd'hui Claude Guéant, directeur de campagne de Nicolas Sarkozy en 2007.

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"Sarkozy veut atomiser pour mieux régner". La démocratie participative, un bon moyen pour trancher sur des sujets sensibles, comme le mariage et l'adoption pour les couples homosexuels, épines dans le pied sarkozyste. Et un bon moyen, aussi, de court-circuiter les barons locaux, alors que la confiance des citoyens dans les hommes politiques n'a jamais été aussi érodée. Etablir un dialogue direct avec les militants, c’est enfin une façon de montrer, pour Nicolas Sarkozy, qu’il n’y aura qu’un seul patron : lui. "Dans son projet, Nicolas Sarkozy envisage de supprimer la Haute autorité ainsi que les courants, tout en associant la base militante à sa réflexion. Dit autrement : en supprimant ces contre-pouvoirs, il veut atomiser pour mieux régner", décrypte Thomas Guénolé, politologue spécialiste de la droite, contacté par Europe1.fr.

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Pour Royal, "c'était à une manière de ne pas trancher". Geoffroy Didier, cofondateur de la Droite forte et fidèle d'entre les fidèles, a une tout autre analyse de la nouvelle stratégie de son champion. Et n'allez surtout pas lui dire que Nicolas Sarkozy se réapproprie une idée de Ségolène Royal ! "Pour elle, c'était à l'époque une manière de ne pas trancher et de faire du peuple un forum permanent", juge le secrétaire général adjoint de l'UMP. Un peu comme quand Nicolas Sarkozy propose aux militants de trancher la question du mariage homosexuel ? Non, puisque "Nicolas Sarkozy, lui, n'entend pas imposer cela à l'échelle du pays, car un chef de l'Etat est là pour guider le peuple. Mais au sein d'une structure partisane comme l'UMP, il est normal de donner la parole aux militants, qui sont le réacteur de la fusée."

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"Une démocratie participative, c'est beaucoup plus ambitieux". Jean-Pierre Gaudin, politologue et auteur de La démocratie participative, apporte toutefois un bémol à cette volonté de redonner le pouvoir au citoyen. "Il y a beaucoup de confusion autour de cette expression. Ce que proposent les candidats, c'est une démocratie consultative. Une démocratie participative, c'est beaucoup plus ambitieux puisque cela doit s'appliquer à l'ensemble d'un pays ou d'un programme. Là, les gens vont seulement s'exprimer sur un ou deux points qui leur tiennent à cœur."

"Cela s'appelle du bonapartisme plébiscitaire". Pour Thomas Guénolé, auteur de "Sarkozy, chronique d’un retour impossible ?", parler de démocratie participative à droite relève "soit d'une méconnaissance des théories politiques, soit d'une escroquerie. Ce que propose Nicolas Sarkozy, c'est un dialogue entre la masse et le chef. Cela s'appelle du bonapartisme plébiscitaire. Il n'invente donc rien, il ne fait que recycler quelque chose qui existe depuis plus de deux ans." "C''est un peu désuet mais je comprends le concept", appuie Jean-Pierre Gaudin.

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"C'est simplement du marketing politique". Pour les deux universitaires, la reprise de cette antienne ségoléniste tient surtout de la stratégie politique. "Les politiques ont galvaudé l'expression, c'est de l'affichage. Cela fait plus chic et moderne", tranche Jean-Pierre Gaudin. "La droite utilise ce terme car il est à la mode, donc on l'emploie à toutes les sauces. C'est simplement du marketing politique", plussoie Thomas Guénolé. "Pas du tout ! C'est une démarche saine qui devient même une urgence nationale dans un moment où les Français ne croient plus dans la parole publique", s'offusque Geoffroy Didier (photo).

"C'est un hommage du vice à la vertu". Et Ségolène Royal, elle en pense quoi ? Dans son entourage, on a du mal à apprécier "l'hommage". Pour Guillaume Garot, son porte-parole lors de la primaire socialiste de 2011, "venant de Sarkozy, cela prête à sourire, même s'il n'est plus à une contradiction près." Puis l'ancien ministre délégué à l'Agroalimentaire du gouvernement Ayrault d'estimer que l'actuelle ministre de l'Ecologie "était une pionnière et a ouvert des chemins empruntés ensuite par d'autres. Tant mieux ! C'est une façon très moderne de construire une décision publique", a-t-il déclaré à Europe1.fr. Et de conclure : "c'est un hommage du vice à la vertu."