Qui l'eût cru ? Le match de Ligue 1 entre le PSG et Troyes, mercredi soir, est un événement. Sur le plan médiatique, en tout cas. Car si le déséquilibre de l'affiche ne laisse pas vraiment de place au suspense, la rencontre marque une véritable rupture dans l'histoire de l'audiovisuel français. Pour la première fois depuis près de soixante ans, un match du championnat de France est diffusé gratuitement en clair à la télévision, en l'occurrence sur C8. L'initiative du groupe Canal+, elle, n'est pas gratuite.
Une exception historique
Créée en 1984, la chaîne cryptée n'avait jusque-là jamais diffusé un match de 1ère division en clair. Pour retrouver la trace d'une rencontre accessible à tous, il faut sans doute remonter au 8 novembre 1969, avec un Lyon-Rennes retransmis sur l'ORTF. Le président de la République s'appelait alors Georges Pompidou. Une époque si lointaine que personne, ni à la Ligue de football professionnel (LFP), ni chez les médias, n'est capable de s'en souvenir avec exactitude.
Depuis, les rapports entre le sport et la télévision ont bien changé. Aujourd'hui, l'offre sportive inonde de plus en plus les réseaux hertziens, via la TNT.
Canal sur les pas de la concurrence
"Pour Canal+, il s'agit de répondre à une offre qui se répand de plus en plus sur la TNT, notamment depuis le succès du biathlon sur la chaîne L'Équipe", souligne Sacha Nokovich, spécialiste médias du journal L'Équipe. Côté payant NextRadioTV, propriétaire de SFR Sport, a joué les précurseurs. Le groupe, qui avait acquis les droits TV de la Premier League, en a déjà diffusé gratuitement quelques matches sur sa chaîne Numéro 23. "Certains événements sportifs diffusés en clair ont par ailleurs atteint des records d'audience", note Sacha Nokovitch, joint par Europe1.fr. "Cela a convaincu les grands groupes de faire le pari du sport sur la TNT", analyse encore le journaliste.
Pour autant, ce n'est pas vraiment la première fois que le groupe Canal+ se prête à l'exercice. Il l'avait déjà fait en mai dernier : le Grand Prix de Monaco, diffusé sur C8, avait été suivi par plus d'un million de téléspectateurs, soit mieux que Roland-Garros au même moment sur France Télévisions. Quelques jours plus tard, la finale de la Ligue des champions avait aussi enregistré de très bons scores.
Un double enjeu pour le groupe
Pour la chaîne à péage, qui a perdu plus de deux millions d'abonnés en deux ans, l'enjeu est donc marketting, selon Sacha Nokovitch : "L'objectif est double : d'abord mettre en lumière l'offre payante, surtout qu'on est dans la période de Noël et qu'il y a souvent des promotions à ce moment-là. Ce n'est pas anodin. Et d'un autre côté, il s'agit d'élever les audiences de C8, qui ne sont pas au top en novembre", analyse-t-il.
À l'occasion du programme "C8 fête Noël avant l'heure", la chaîne de la TNT a donc décidé de mettre le paquet autour de la rencontre, avec un "Touche pas à mon Poste" spécial PSG-Troyes avant le coup d'envoi prévu à 21 heures. Comme l'impose le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel (CSA), Canal+ et C8 proposeront deux équipes différentes, tant lors de l'avant et l'après-match que pendant la rencontre. Côté payant, les abonnés retrouveront aux commentaires l'habituel tandem Stéphane Guy-Habib Beye, quand C8 a opté pour David Berger et Alain Roche. Les journalistes Marie Portolano, Dominique Armand et le consultant et ancien joueur emblématique de Lyon Sidney Govou seront eux chargés du débrief à la mi-temps et au coup de sifflet final.
Samedi, le même procédé de double diffusion sera même reconduit, avec la rencontre entre Toulon et Lyon en Top 14, programmée à 20h45.
Une vitrine pour la Ligue
Pas anodin non plus, le feu vert donné par la LFP, qui espère ainsi doper l'attractivité du championnat en proposant cette rencontre entre le Paris Saint-Germain et Troyes au plus grand nombre. "Pour la Ligue, c'est important de montrer la qualité du spectacle en France, car l'appel d'offres pour les droits TV de la Ligue 1 va être lancé dans les prochains mois", rappelle ainsi Sacha Nokovitch.
Le spectacle pourrait néanmoins souffrir de la fermeture de la tribune Auteuil pour des raisons disciplinaires. Des supporters privés de stade pour l'occasion, mais qui seront sans doute devant leur écran à 21 heures.