Mediator : le doc qui accable Servier

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Fabienne Cosnay , modifié à
-Découvrez l'extrait qui prouve que le labo connaissait l'inefficacité du Mediator. 

Pour elle, c'est "un flagrant délit de mensonge". Dans le documentaire Mediator, histoire d'une dérive, diffusé mardi soir, à 20h40 sur Arte, le téléspectateur découvrira le témoignage accablant pour le laboratoire Servier de Catherine Figarella, dont les réalisateurs Bernard Nicolas et Kader Bengriba ont retrouvé la trace. Europe1.fr vous dévoile en exclusivité l'extrait qui prouve que le labo connaissait l'inefficacité du Mediator.

"Décontenancés par les résultats de votre travail"

Retour en 1975. Jacques Servier demande à cette jeune chercheuse de l'Inserm de réaliser une étude pour le compte du laboratoire. Elle doit prouver que le Mediator est capable de neutraliser la lipase, une enzyme du pancréas, qui provoque le stockage des graisses dans l’organisme. Catherine Figarella a beau multiplier les expériences, elle n'arrive pas aux conclusions qu'attend Servier. Pour la spécialiste du pancréas, le Mediator est complètement inefficace dans l'élimination des graisses. En décembre 1975, Catherine Figarella envoie son rapport à Servier. Sans nouvelles, elle est persuadée que le laboratoire a renoncé à son médicament.

Regardez le témoignage de Catherine Figarella :

 

En 1976, après plusieurs courriers de relance, la chercheuse reçoit un courrier du laboratoire : "Il est certain que nous avons été décontenancés par les résultats de votre travail, et vos arguments sont évidemment très convaincants", indique le docteur B. Riveline, du département recherche clinique de Servier. Catherine Figarella apprendra la même année que le Mediator a été mis sur le marché et qu'il est prescrit comme antidiabétique et comme coupe-faim à des milliers de patients.

"Le Mediator, c'était le coupe-faim du pauvre"

Pour la chercheuse comme pour les réalisateurs du documentaire, le doute n'est pas possible. Le laboratoire savait dès 1975 que sa molécule était inefficace contre les graisses, l'une de ses indications thérapeutiques.  "Mais le Mediator, c'était le coupe-faim du pauvre, 5 euros environ", précise à Europe1.fr le réalisateur Kader Bengriba.

Retiré du marché en novembre 2009, le médicament serait responsable de 500 à 2.000 décès. Et a endommagé le cœur de nombreuses patientes, parmi les deux millions exposés au médicament. "Des femmes seules, souvent en difficulté financière, dont la vie est foutue", résument les deux auteurs du documentaire. Les victimes du Mediator sont aujourd'hui en colère contre le système de pharmacovigilance qui a laissé faire et contre le laboratoire Servier. "Je suis en colère contre Monsieur Servier parce que lui, il a 88 ans et moi je n'irai pas jusqu'à mes 88 ans", confie Marie-Claude Frigout, 67 ans, atteinte de valvulopathie cardiaque.

Bernard Nicolas et Kader Bengriba ont voulu remonter le fil du Mediator et "comprendre les dysfonctionnements d'un système" qui aura duré près de 32 ans. Pendant leur enquête, les réalisateurs ont cherché à rencontrer Jacques Servier et ont fait une demande de tournage au sein du deuxième laboratoire français. "Servier voulait visionner le doc avant sa diffusion, donc on a dit non", précise Kader Bengriba.  

Une bienveillance générale

Mediator, histoire d'une dérive met en lumière deux principaux dysfonctionnements. D'abord, Jacques Servier, deux fois décoré de la Légion d'honneur, qui a bénéficié d'une bienveillance des politiques de gauche et de droite. "Le laboratoire Servier représentait une sorte de patriotisme économique", résume Bernard Nicolas. Ensuite, le documentaire montre les liens financiers et le lobbying exercés par les laboratoires pharmaceutiques auprès des experts de l'Afssaps.