Martin Bouygues : l'AFP "se couvre la tête de cendres"

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Mickaël Frison , modifié à
ERREUR - Samedi, l'Agence France Presse a commis une de ses plus graves bévues en annonçant par erreur la mort du capitaine d'industrie Martin Bouygues. L'AFP reconnaît sans mal son erreur et promet des suites.

57 minutes. C'est le temps qui s'est écoulé samedi dernier entre l'annonce, par l'AFP, de la mort de Martin Bouygues, 62 ans, patron du groupe du même nom, et l'alerte, émise par la même agence, faisant état du démenti de TF1. Martin Bouygues bien vivant, annoncé mort à la suite d'un quiproquo entre le journaliste de l'AFP et le maire d'une commune de l'Orne : jamais l'agence, qui alimente la plupart des médias Français, n'avait commis un tel faux pas. 

Depuis, l'Agence aux 2.200 salariés à travers le monde a multiplié les excuses, via une dépêche et plusieurs tweets. Des regrets renouvelés lundi sur Europe 1 : pour Michèle Léridon, directrice de l'information, l'AFP "se couvre de cendres". 

"Lamentable" dit Paolini, l'AFP acquiesce. "J'ai interrogé tous les protagonistes de cette lamentable affaire. Nonce Paolini [PDG de TF1, NDLR] a eu des mots très durs que je partage également. On assume complètement, c'est une erreur très grave qui, je l'espère, ne remet pas en cause la fiabilité de l'AFP dans l'absolu. Un certain nombre de verrous ont sauté, une absence de réflexion collective, une précipitation inacceptable" a indiqué la journaliste.

L'AFP n'a pas pu joindre Bouygues. Au micro d'Europe 1, Michèle Léridon a refait le film de cette déconfiture : tout part d'un "tuyau" fourni par un journaliste "généralement extrêmement bien informé" qui relaie la rumeur de la mort de Bouygues, avec des détails tels que le nom de la commune où l'industriel serait décédé. "On appelle le groupe Bouygues, on a de nombreux numéros, on n'arrive à joindre personne. La rédaction en chef sollicite le bureau de Rennes, puisqu'on parle de l'Orne", explique Léridon. 

Le journaliste appelle ensuite commune, pompiers, gendarmes et obtient la confirmation d'un décès mais pas celle du nom du défunt. "Il tombe sur le maire d'une commune voisine, président de la communauté de communes, à qui il demande si Martin Bouygues est décédé — il prononce le nom — mais je pense que le maire avait en tête le décès d'une personne qui s'appelait M. Martin, il a entendu Martin et pas Bouygues, raconte Michèle Léridon. On se couvre la tête de cendres mais le journaliste n'a pas appelé en demandant si "Martin" est mort, c'est évident qu'il a dit Martin Bouygues, et je peux concevoir que l'élu n'ait pas entendu, qu'il était en deuil de quelqu'un qui s'appelait Martin, et il a confirmé, il n'a pas mesuré la chose." 

"Une source insuffisante". Pour autant, cette responsable de l'AFP ne cherche pas à se défausser sur le maire de Saint-Denis-sur-Sarthon, cité comme source dans l'annonce de la mort de Martin Bouygues. À Europe 1, elle indique que la faute est celle de l'Agence : ne pas avoir poursuivi les vérifications en se contentant de cette "source insuffisante." 

Mais la journaliste rappelle ensuite le sérieux de l'AFP en temps normal : "On a été très fiers de notre couverture de Charlie, on n'a pas commis une seule erreur, on a retenu des noms, des informations, parce qu'on n'arrivait pas à les certifier. Ici, c'est un non-respect de nos procédures internes. L'erreur est humaine, un malentendu peut arriver mais on a normalement toute une série de filets. Tous ces pare-feu n'ont pas été utilisés." 

Autres défauts mis en avant par la chef des informations de l'agence : un samedi, il y avait moins de monde à la rédaction. "Mais nous sommes joignables à tout moment, des personnes ont pensé qu'elles étaient habilitées à prendre des décisions, elles ont cru bien faire. Elles auraient dû faire remonter l'information." 

Des sanctions à venir. Pour éviter une nouvelle fois trop de précipitation, Michèle Leridon n'a pas voulu indiquer quelles sanctions seraient prises vis-à-vis des journalistes impliqués. "Il y a des responsabilités, il faut qu'elles soient assumées. On ne peut pas dire que c'est quelque chose d'aussi grave, qui marquera l'histoire de l'AFP, sans qu'il ne se passe rien. La précipitation est à l'origine de la bêtise. Il y aura des suites." Dans un tweet paru samedi après-midi après l'incident, l'AFP a annoncé la tenue d'une enquête interne.