Une journaliste suisse en reportage arrêtée par la gendarmerie française

Le rédacteur en chef du journal demande "des explications et des excuses" à la France.
Le rédacteur en chef du journal demande "des explications et des excuses" à la France. © Fabrice Balsamo
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avec AFP , modifié à
Alors qu'elle effectuait un reportage sur des migrants entrant clandestinement en France depuis l’Italie, une journaliste du quotidien suisse "Le Temps" a été interpellée et interrogée.

Pour le journal suisse Le Temps, c'est une "intolérable attaque contre la presse". Alors qu'elle faisait un reportage sur les migrants dans la région de Briançon, dans les Hautes-Alpes, une journaliste helvète a été arrêtée et interrogée par la gendarmerie. "Ce n'est pas digne de la France à qui nous demandons des explications et des excuses", écrit le rédacteur en chef du journal, Stéphane Benoit-Godet.

Un journaliste de France Culture également arrêté. L'envoyée spéciale du quotidien, Caroline Christinaz, avait pris place samedi dans une voiture d'un habitant des Hautes-Alpes, qui portait secours aux migrants franchissant le col de l'Échelle, à 1.762 mètres d'altitude, alors partiellement enneigé, pour entrer en France depuis l'Italie. Un second véhicule transportait le journaliste français de la radio France Culture Raphaël Krafft. À leur descente du col ils ont été arrêtés par la gendarmerie, alors que les deux véhicules transportaient quatre migrants. Les deux journalistes ont été convoqués dimanche à la gendarmerie de Briançon.

Un interrogatoire de deux heures. "L'interrogatoire a duré deux heures", témoigne Caroline Christinaz. "Ils m'ont dit vouloir connaître mes capacités financières pour établir le montant de l'amende", dit-elle. Elle explique avoir été photographiée et ses empreintes digitales ont été relevées.

"Des tentatives d'intimidation de la part des gendarmes et du procureur". "Devant l'insistance et la pression des deux gendarmes, elle finit par leur donner son téléphone portable, puis, de guerre lasse, son code d'accès", dénonce Le Temps, qui précise que les gendarmes lui ont redonné finalement son appareil. "Quand elle les interroge sur le statut de cette audition, on lui répond qu'elle est mise en cause dans une procédure pour aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour irrégulier d'étrangers sur le territoire français", explique le journal. "Lors de son interrogatoire, notre consœur a subi des tentatives d'intimidation de la part des gendarmes et du procureur, qui l'ont mise en cause alors qu'elle ne faisait qu'exercer sa profession", dénonce le rédacteur en chef.

Des propos "diffamatoires" pour le procureur. Interrogé par l'AFP, le procureur de Gap Raphaël Balland a accusé Le Temps "de tenir des propos totalement diffamatoires à (son) encontre". Il assure "n'avoir été informé par les gendarmes de l'audition de la journaliste suisse qu'à son issue". Il a expliqué que la journaliste s'est vu notifier ses droits - "droit d'avoir un avocat, de garder le silence et de partir à tout moment" - et qu'"elle les a signés". Il a aussi précisé que quand les gendarmes lui ont rendu compte de l'audition de la journaliste et du conducteur, il leur a dit qu'"au vu des premiers éléments de l'enquête", "il n'y avait pas d'éléments suffisants pour mettre en cause le deuxième journaliste", qui a donc été entendu comme "témoin". Interrogé par l'AFP, le journaliste de France Culture a expliqué que sa consoeur était sortie de l'entretien "choquée qu'on lui ait posé des questions intimes".