Saad Hariri reçu à Paris : "La France intervient en véritable pompier"

© BERTRAND GUAY / AFP
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A.D
Emmanuel Macron a pris la décision d'accueillir Saad Hariri à Paris. Un acte habile qui permet une sortie de crise et un temps de médiation, selon le professeur Joseph Maïla. 
INTERVIEW

Saad Hariri, Premier ministre démissionnaire du Liban, est arrivé à Paris ce samedi, où il est reçu par Emmanuel Macron. Joseph Maïla, professeur de relations internationales à l’Essec et spécialiste du Moyen-Orient, était l'invité dans l'émission C'est arrivé cette semaine. Il nous éclaire sur le rôle joué par la France dans la gestion de la crise libanaise, pays au centre du conflit entre l'Iran et l'Arabie saoudite.

"Un kidnapping" saoudien. Inviter à Paris Saad Hariri est un "acte important" de la diplomatie française, "puisque qu'il s'agit d'une étape dans une sortie de crise. Saad Hariri ne peut pas rentrer directement au Liban, car à l'évidence, ce serait une rebuffade vis à vis du prince héritier, Mohammed Ben Salmane, qui l'avait retenu quelques temps à Ryad. Le passage par Paris est une espèce de sas en attendant de voir quelle solution peut se profiler à l'avenir. Monsieur Macron s'est positionné comme un médiateur et avec lui, la France", analyse-t-il. Une médiation pour une situation mystérieuse : "Saad Hariri a présenté sa démission dans un pays étranger (l'Arabie Saoudite) sur une télévision étrangère. L'affaire tenait de la crise diplomatique parce que ce n'est pas dans les us et coutumes des diplomates et en même temps il y avait quelque chose d'un rapt, d'un kidnapping médiatico-diplomatique", avance-t-il.

Entendu sur europe1 :
Macron a sauvé la face de Mohammed Ben Salmane qui a peut-être préjugé de sa force et de son coup. Ça a été une sortie de crise à l'arrachée.

Détenteur de la nationalité saoudienne, Saad Hariri avait invoqué, pour justifier sa démission, la "mainmise" du Hezbollah - membre du gouvernement et soutenu par l'Iran - sur la vie politique au Liban, et des craintes pour sa vie. Mais certains redoutent une décision pilotée sous la contrainte saoudienne. 

Une démission non effective, "tout est jouable". L"'invitation" donnée à Saad Hariri pour venir en Arabie Saoudite entraîne, d'après Joseph Maïla, des "conséquences extrêmement lourdes sur le plan régional. C'est là où la France intervient en véritable pompier. C'est le Samu qui intervient sur le plan diplomatique avant de traiter la question sur le fond." Par ailleurs, la démission de Saad Hariri n'est pas encore effective, souligne-t-il, car elle n'a pas été remise en main propre au président libanais. "Est-ce que Monsieur Hariri prendra le temps pour voir s'il confirme sa décision de démissionner ou est-ce qu'il va revenir sur sa démission ? On ne peut pas l'exclure. Le président français a bien indiqué qu'il invitait un chef du gouvernement. Tout reste en suspend, tout est jouable", analyse-t-il.

"La France dans son rôle historique". Quelle que soit l'issue, l'épisode ne sera pas sans conséquences d'après le spécialiste, qui voit d'abord en jeu "la souveraineté du Liban", mais au-delà, la question de la rivalité saoudo-iranienne "qui peut conduire à une montée des tensions. Et là, le prédisent Macron a agi pour la France mais avec l'aval implicite de la communauté internationale. Personne n'a envie de voir revenir la guerre au Liban (...) La France est dans son rôle historique. On oublie que la France est intervenue pour exfiltrer le général Michel Aoun en 1991. (...) La démarche de Monsieur Macron est comprise. Au Liban, c'est perçu comme un acte extrêmement positif." Du côté saoudien, on estime que "Macron a sauvé la face de Mohammed Ben Salmane qui a peut-être préjugé de sa force et de son coup. Ça a été une sortie de crise à l'arrachée".