Les auteurs anglo-saxons ne sont pas tous Charlie

Russell Bans, l'auteur américain, ne sera pas présent à la cérémonie.
Russell Bans, l'auteur américain, ne sera pas présent à la cérémonie.
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204 auteurs anglo-saxons vont boycotter mardi la remise du PEN Award à Charlie, estimant que le journal stigmatise "une partie de la population française".   

Si les attentats du 7 janvier dernier à Paris avaient suscité une grande vague d'émoi aux Etats-Unis, la remise du prix Pen Award (récompensant le courage et la liberté d'expression) à l'hebdomadaire satirique ne plaît pas à tout le monde. Ils sont 204 écrivains anglo-saxons, et pas des moindres, à avoir signé une lettre sur le site The Intercept (en anglais) s'opposant à la remise du prix : le romancier américain Russel Banks, Francine Prose, ex-présidente du Pen ou encore la Britannique Taiye Selasi. Ils expliquent dans cette tribune les raisons pour lesquelles ils ne se rendront pas à la cérémonie présidée par Alain Mabanckou, l'écrivain franco-congolais qui remettra le prix à New York.

204 auteurs boycottent. S'il reconnait que les attentats du 7 janvier étaient "tragiques et écœurants", le collectif d'écrivains souligne qu'il existe une différence majeure entre "soutenir fermement l'expression qui dépasse les frontières de l'acceptable et la récompenser". "Les caricatures du prophète réalisées par Charlie Hebdo peuvent être interprétées comme la cause d'une plus grande humiliation et d'une plus grande souffrance" par la population française "dont une large partie est musulmane pratiquante", dénonce la lettre. Ce boycott avait été initié par six auteurs, qui avaient annoncé dès le 28 avril qu'ils ne participeraient pas à la cérémonie si Charlie Hebdo était honoré.  

Salman Rushdie ne comprend pas ce boycott. Cette mobilisation d'une partie du monde littéraire a suscité les critiques de plusieurs intellectuels. L'auteur britannique d'origine indienne, lui-même objet d'une fatwa pour son livre Les Versets sataniques, a vivement réagi à ce boycott, traitant ses confrères de "lâches" : "Si Pen ne peut pas protéger et célébrer ceux qui ont été assassinés pour des caricatures, alors cette association ne mérite pas son nom", avait-il conclu. Robert McLiam Wilson, collaborateur ponctuel de Charlie, a également signé une tribune véhémente intitulée : "Si vous ne parlez pas Français, comment pouvez-vous juger que Charlie Hebdo est raciste ?" sur The NewStatesman

Arrogance culturelle ou impertinence ? C'est donc un Francophone, Alain Mabanckou, le maître de cérémonie, qui tente de trouver les bons mots pour apaiser la polémique. L'auteur de Verre cassé assure ne pas comprendre la critique de "l'arrogance culturelle française" avancé par ses confrères anglo-saxons : "L'arrogance, je dirais l'impertinence ou l'insolence intellectuelle, est dans la nature française, et il n'y a pas de France sans arrogance." C'est dans ce contexte particulier que Jean-Baptiste Thoret, journaliste à Charlie Hebdo arrivé en retard le jour de la fusillade, se rendra mardi à New York pour recevoir le prix au nom de son journal.