Leïla Slimani, prix Goncourt, appelle les Marocains à se rebeller contre la répression de l'homosexualité

Leïla Slimani a remporté le prix Goncourt pour son roman "Chanson Douce".
Leïla Slimani a remporté le prix Goncourt pour son roman "Chanson Douce". © JOEL SAGET / AFP
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avec AFP , modifié à
L'auteure de "Chanson douce", lauréate du prix Goncourt 2016 s'emporte contre l'hypocrisie de la société marocaine envers l'homosexualité et l'adultère.

La romancière franco-marocaine Leïla Slimani, nouveau prix Goncourt, a appelé vendredi les Marocains à se rebeller contre "une législation moyenâgeuse" qui les maintient "sous une chape de plomb", après l'arrestation de deux jeunes filles mineures qui seront jugées pour homosexualité. "L'humiliation du citoyen, et le fait de le maintenir sous une chape de plomb, favorise un système politique qui est celui de 'l'hogra', l'humiliation, et l'abus de pouvoir", a dit la romancière, interrogée par la radio France Inter sur l'arrestation à Marrakech de deux filles âgées de 16 et 17 ans, Sanaa et Hajar, surprises en train de s'embrasser.

Rébellion. "Je pense qu'il est temps que les citoyens prennent ça en main, se rebellent contre ça", a ajouté la Franco-Marocaine Leïla Slimani, 35 ans, qui a reçu jeudi le Goncourt, le plus prestigieux des prix de l'édition francophone, pour Chanson Douce (Gallimard). "La législation au Maroc est complètement moyenâgeuse, complètement déconnectée de la réalité", a-t-elle poursuivi. "Il y a des normes qui interdisent les relations sexuelles hors mariage, qui interdisent l'homosexualité, qui pénalisent l'adultère. Et il y a des pratiques qui sont complètement à l'inverse de ces normes", a fait valoir la lauréate.

"Ce fossé arrange le système". "Il ne faut pas être hypocrite, on sait très bien que les Marocains ont une vie sexuelle hors du mariage, et c'est très bien, qu'il existe des homosexuels", a-t-elle dit. "On maintient cette dichotomie, on maintient ce fossé parce que ça arrange le système, ça arrange certains". L'homosexualité est punissable de six mois à trois ans de prison au Maroc. "Cela n'a aucun rapport avec la religion", estime la romancière. "Beaucoup d'imams, beaucoup de théologiens extrêmement éclairés vous expliqueront que ça n'a aucun rapport", a-t-elle ajouté. "La question, c'est la question des droits de l'Homme, des droits sexuels, de la dignité et, en particulier, la dignité du corps de la femme". 

"Une femme, individu à part entière". Pour Leïla Slimani, il faut "imaginer une femme qui ne soit à personne, qui ne soit ni une mère, ni une sœur, ni une épouse, mais une femme et un individu à part entière". Tiraillé entre conservatisme religieux et ouverture sur l'Occident, le Maroc, un pays de 35 millions d'habitants, a connu plusieurs controverses liées au mœurs ces dernières années.