L’azote, ce nouveau produit létal qui indigne les anti-peine de mort

Aujourd'hui, les Etats américains dans lesquels la peine de mort est autorisée privilégient comme première méthode d'exécution l'injection létale. (Illustration)
Aujourd'hui, les Etats américains dans lesquels la peine de mort est autorisée privilégient comme première méthode d'exécution l'injection létale. (Illustration) © AFP
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Clémence Olivier
L'État américain de l'Oklahoma, à court de substances servant aux injections létales, a choisi d'exécuter ses condamnés à mort avec de l'azote. 

C'est une méthode jamais utilisée dans le pays et qui suscite des inquiétudes. L'État américain de l'Oklahoma a annoncé mercredi qu'il allait désormais exécuter ses condamnés à mort par inhalation forcée d'azote. "Nous avons opté pour cette méthode car il est établi que les Etats dans tout le pays éprouvent de grandes difficultés à se procurer des substances pour les injections létales", a justifié Mike Hunter, le procureur général de cet État du Sud conservateur.  

Cette pénurie, qui dure depuis des années, s'explique par le refus des firmes pharmaceutiques, pour la plupart européennes, d'approvisionner en produits mortels les prisons américaines. "L'Europe est un continent abolitionniste, elle ne veut pas participer indirectement à des exécutions", précise Anne Denis, responsable de la commission abolition de la peine de mort d'Amnesty France, contactée par Europe 1. "Les compagnies pharmaceutiques américaines acceptent également de moins en moins de fournir les prisons. Car cela nuit à leur image."

Les associations s'offusquent. Mais la nouvelle méthode, présentée par un ancien élu républicain Mike Christian, comme "efficace, humaine et peu coûteuse", fait hurler les associations opposées à la peine de mort car ce protocole n'a jamais été employé sur l'homme.

Pour l'heure, la méthode est surtout utilisée pour l'abattage d'animaux. "Elle est censée provoquer une hypoxie, une raréfaction de l'oxygène, qui va plonger la personne dans le coma avant de provoquer la mort", détaille Anne Denis. "Mais on ne sait pas du tout le niveau de souffrance qu'elle peut engendrer et si la mort est rapide ou non. C'est de l'expérimentation", pointe la militante. "On sait simplement qu'elle a été utilisée sur des animaux et que, pour l'heure, aucun animal n'est venu se plaindre de torture", ironise de son côté Raphaël Chenuil-Hazan, directeur général de l'ONG Ensemble contre la peine de mort, joint par Europe 1.

"Qui sont les experts en azote et en hypoxie par l'azote qui vont être consultés ? Quelles sont les études menées par l'État pour s'assurer de la sécurité et de la légalité de ce nouveau processus ?", a questionné aussi mercredi Dale Baich, avocat représentant des condamnés à mort de l'Oklahoma qui réclame une "complète transparence" sur ce protocole de mise à mort.

Pas de méthode "humaine". Aujourd'hui, si certains États ont la possibilité d'exécuter leurs condamnés à morts dans une chambre à gaz ou par électrocution, tous privilégient comme première méthode d'exécution l'injection létale. Depuis 1976, selon le Centre d'information sur la peine de mort (DPIC), 1294 prisonniers ont été tués de cette façon, contre 158 électrocutions et 11 gazages. "L'injection létale a été considérée par les pourfendeurs de la peine de mort comme 'plus humaine' que la chaise électrique et que la chambre à gaz", explique Anne Denis, avec scepticisme.

Mais comme pour ces deux autres méthodes, elle a connu de graves ratés. "Pour faire une injection létale, il faut poser un cathéter dans une veine. Or, il n'est pas toujours évident de trouver la veine car les condamnés à mort peuvent être d'anciens drogués avec des veines particulièrement abîmées. Il faudrait du personnel médical pour effectuer ce geste technique", précise-t-elle. "L'ordre des médecins américain et l'ordre des infirmiers interdisent à juste titre à ses membres de participer à des exécutions. C'est le personnel de prison qui s'en charge. Et les ratés sont fréquents. Dans le cas d'accidents, la douleur pour le condamné peut être terrible". En 2014, le condamné à mort Clayton Lockett avait ainsi agonisé  pendant 45 minutes avant de mourir.

Injection, inhalation…Pour la responsable de la commission abolition de la peine de mort d'Amnesty France, il n'y a de fait pas de "bonnes méthodes". "Nous sommes opposé à toute exécution", rappelle-t-elle. Le directeur général de l'ONG Ensemble contre la peine de mort acquiesce : "Il n'y aura jamais de manière humaine de donner la mort".