La justice afghane continue de renvoyer les femmes vers les médiations traditionnelles

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Les Afghanes sont victimes de nombreux crimes qui ne sont pas punis par la justice de l'État mais renvoyés par des médiations traditionnelles (image d'illustration). © HOSHANG HASHIMI / AFP
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avec AFP , modifié à
Malgré l'instauration d'une loi en 2009, les crimes dont elles sont victimes continuent d'être traités par des médiations traditionnelles qui les considèrent comme des "disputes familiales", accuse l'ONU.

L'État afghan continue de négliger les femmes en abandonnant de nombreux crimes et cas de violences à leur encontre aux médiations traditionnelles plutôt que de saisir la justice, promouvant ainsi l'impunité des auteurs, accuse l'ONU.

Des violences faites aux femmes largement répandues. "Le large recours aux médiations promeut l'impunité, autorise la répétition des violences et érode la confiance dans le système judiciaire", conclut un rapport publié mardi à Kaboul, qui insiste sur l'ampleur des violences contre les femmes, "toujours largement répandues" en Afghanistan 17 ans après la chute du régime taliban.

De nombreux crimes étudiés. Près de 600 crimes (coups, brûlures, viol, prostitution et mariages forcés, attaques à l'acide, suicides forcés, échanges de filles pour solder une dette...) et meurtres - y compris ceux pour défendre "l'honneur" des hommes - ont été examinés et suivis entre août 2015 et décembre 2017 par la Mission d'assistance de l'ONU en Afghanistan (Manua), qui juge ce rapport "sans doute le pire" qu'elle ait jamais publié.

Sur 280 cas de meurtres familiaux (dits "d'honneur"), seuls 50 ont été judiciairement punis - soit 18% - entre janvier 2016 et janvier 2017. Les violences contre les femmes "restent largement répandues à travers l'Afghanistan malgré les efforts concrets du gouvernement pour les criminaliser", regrettent les auteurs du rapport intitulé Injustice et Impunité - La médiation dans les crimes contre les femmes.

Des crimes traités en affaires privées. Mais surtout, en renvoyant devant des médiateurs ("barbes blanches", chefs de communauté, assemblées villageoises...) des crimes parfois passibles de la peine de mort, les familles tendent à les traiter comme de simples "affaires privées" qui se trouvent de fait dépénalisées. Depuis 2009, la Loi dite "Evaw" - Loi pour l'Elimination des violences contre les femmes - impose pourtant à la police de saisir les tribunaux pour cinq types de crimes dont le viol, la prostitution forcée, ou encore l'immolation.

Des jugements contraires à l'intérêt des femmes. Mais la Manua a documenté "de nombreux cas où les victimes ont été renvoyées devant des médiations informelles sous la pression des familles, des ONG et même des institutions mises en place par la loi Evaw (...) avec l'accord des autorités, en violation du Code pénal".

Le résultat de ces procédures est très souvent contraire à l'intérêt des femmes : parce qu'elles sont appelées à retirer leur plainte avant la médiation ; et parce qu'une fois traitées via une médiation, les affaires deviennent de simples "disputes familiales" au terme desquelles les victimes sont encouragées à se réconcilier avec leurs bourreaux, ou à demander le divorce.