Pologne 2:50
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Marion Gauthier
Un million de réfugiés ont fui l'Ukraine à destination des pays voisins depuis le début de l'invasion russe il y a une semaine. Nombreux sont ceux à se rendre en Pologne, pour tenter de fuir les combats. L'envoyée spéciale d'Europe 1 à la frontière polonaise, Marion Gauthier, décrit la situation sur place et le dispositif de secours.
REPORTAGE

Peu avant une deuxième session de discussions ce jeudi matin sur un cessez-le-feu entre négociateurs russes et ukrainiens, les forces russes ont pris Kherson, grande ville du sud du pays. Au huitième jour de l'invasion militaire des troupes de Vladimir Poutine, un million de réfugiés ont fui l'Ukraine à destination des pays voisins. Plus de la moitié d'entre eux s'est rendue en Pologne. L'envoyée spéciale d'Europe 1 présente à la frontière décrit la situation.

Leurs papiers et de simples sacs en plastique

Ce sont en majorité des femmes et des enfants qui passent la frontière dans des voitures aux coffres surchargés, après parfois 60 heures d'attente. Certains abandonnent d'ailleurs et finissent par traverser la frontière à pied. On assiste en effet à un exode continu de silhouettes hésitantes et frigorifiées qui s'approchent des points de ravitaillement, complètement désorientées par le ballet des bus et des bénévoles en gilet orange. Certains ont traîné d'énormes valises sur des dizaines de kilomètres, quand d'autres n'ont pu emporter que leurs papiers ou un simple sac plastique.

De maigres restes de la vie d'avant. Avant la séparation avec les hommes : des pères, des frères mobilisés, ou avec les anciens qui ont refusé de laisser leurs terres derrière eux. "Je sauve mes enfants", se justifient de nombreux réfugiés, les yeux rougis par les larmes. Et ce qui marque également, c'est l'absence de plans pour l'avenir. Mais pour beaucoup, c'est en Ukraine que doit s'écrire cet avenir, eux qui veulent croire à un retour proche. 

Des bénévoles français au secours

Une fois la frontière passée, ces réfugiés sont pris en charge sur le territoire polonais. Là-bas des opérations humanitaires sont menées par des secouristes venus pour certains de France, comme ce trio rencontré par notre envoyée spéciale à Medika, l'un des principaux points de passage entre l'Ukraine et la Pologne. 

Sur le brancard, elle décrit un homme tremblant. Il a des spasmes, son visage est crispé, à moitié caché par la couverture de survie. "C'est la dernière qu'on a [de couverture]", souffle un bénévole. Le matériel manque en effet, ils sont trop nombreux à passer la frontière, sous alimentés, blessés parfois par une marche interminable. Michael et ses deux coéquipiers comptent déjà les compresses et les boîtes de médicaments. L'ancien militaire a posé trois semaines de congés pour venir aider. "On voit tellement de choses qu'on aimerait que ça s'arrête. Je ne sais pas quoi faire de plus...", lance-t-il. 

Comme un seul jour sans fin depuis samedi, c'est Nicolas, l'un d'entre eux, qui a pris l'initiative de faire rouler sa maison du sauvetage de ses Hautes-Alpes jusqu'à la Pologne. Au total, 24 heures de route pour ce bénévole. "Le déclic a été très rapide. J'ai eu un sentiment d'injustice, d'incompréhension. La détresse humaine est énorme. C'est indescriptible. Il y a de plus en plus de bombardements sur des zones civiles, on risque d'avoir de plus en plus de cas de blessures par balles ou liées à des problèmes de rixes", alerte-t-il. Un drapeau français fièrement scratché sur sa veste orange de secouriste, le quadragénaire attend un renfort humain important. Pour l'heure, six volontaires doivent les rejoindre.