Crise de la dette : la Grèce va devoir choisir

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avec agences , modifié à
Les Grecs sont appelés à voter dimanche sur la feuille de route proposée par les créanciers d'Athènes.

C'est le jour J pour les Grecs. Le peuple hellène est appelé à voter dimanche lors d'un référendum qui ressemble à un dilemme cornélien : approuvent-ils le paquet de réformes préconisées par les créanciers du pays en échange d'une nouvelle aide ? Si la question est simple, la réponse est en revanche plus complexe : voter non, comme le préconise le gouvernement Tsipras, c'est exprimer un ras-le-bol et faire bloc derrière l'exécutif au risque de provoquer une sortie de la zone euro. Voter oui permettrait d'éviter ce scenario, mais au prix d'un nouveau plan d'austérité dans un pays éreinté qui peine à se réformer. Un débat qui divise profondément en Grèce, mais aussi à l'étranger.

Samedi, journée d'accalmie politique. Après une soirée de vendredi marquée par deux manifestations géantes, l'une en faveur du "Oui" et l'autre en faveur du "Non", la Grèce s'est réveillée samedi dans une atmosphère plus apaisée : la journée de samedi est censée marquer une pause avant le référendum. Elle l'a été, à une nuance près : dans la nuit de vendredi à samedi, le ministre des Finances, Yanis Varoufakis, s'est fendu d'un tweet, appuyé par un communiqué du ministère, pour dénoncer la "rumeur malveillante" d'un article du Financial Times, selon lequel les épargnants grecs riches de plus de 8.000 euros en banque pourraient se voir prélever 30% de leurs dépôts afin de renflouer les banques du pays.

Pas vraiment de quoi rassurer une population déjà éprouvée. Pavlos, un retraité 72 ans, interrogé devant une banque d'Athènes, voyait les choses en "noir, très noir": "Là il y a de l'argent mais la semaine prochaine il est probable qu'il n'y en aura pas. Comment feront les gens pour la vie quotidienne? On ne sait pas".

Dans l'incertitude, les biens de première nécessité pris d'assaut. Tout comme les plus fortunés ont déjà fait sortir leurs économies en dehors du pays, la population commence à prendre ses précautions. Six jours après le début du contrôle des capitaux, les Grecs ne dépensent plus que pour le nécessaire dans les magasins: nourriture, essence ou médicaments, sur lesquels ils se ruent de peur de manquer. Des rayons entiers vidés de leurs produits. Papier toilette, pâtes, légumes secs, lait concentré... Tout a disparu. Dans un supermarché de la banlieue aisée d'Athènes, à Glyfada, certains riverains semblent avoir paniqué, se précipitant sur les produits de première nécessité, a constaté un photographe de l'AFP.

Même constant dans un autre commerce, cette fois-ci dans le quartier de Pangrati. Un des clients, Alexandros Kakavas, observe que les comportements ont changé: "Je suis venu deux fois ce matin et il y avait plein de gens faisant leurs achats, en particulier du riz, des pâtes, des choses qu'ils peuvent garder longtemps". "Je crois que ça va être encore plus grave si les banques ne rouvrent pas, et elles ne vont pas rouvrir très bientôt", craint-il, pas convaincu que le contrôle des capitaux soit levé mardi, comme prévu.

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© LOUISA-GOULIAMAKI/AFP

 

La Grèce, objet politique dans le reste de l'Europe. Si l'heure était à la réflexion samedi en Grèce, le reste de l'Europe a, lui, continué à s'écharper sur le sujet. En Italie, le président du Conseil Matteo Renzi a ainsi tenu à marquer sa différence avec la Grèce. "L'Italie n'a pas peur de conséquences spécifiques. Si l'Italie et la Grèce ont été des compagnons d'infortune, ce n'est plus le cas aujourd'hui. Nous sommes ceux qui résolvent le problème, nous ne sommes plus le problème", a-t-il lancé, avant de souligné que les réformes entreprises et le redémarrage de l'économie montrent que les Italiens "sont du côté de ceux qui cherchent à résoudre le problème".

En France, le président de l'Assemblée nationale Claude Bartolone a signé une tribune commune avec son homologue italienne pour affirmer que l'Union européenne "ne va pas dans la bonne direction" dans le dossier grec. "Il est insensé de continuer à fermer les yeux sur le fait que l'Europe, incapable de consolider son intégration politique et de se projeter dans l'avenir, renonce à elle-même. Deux crises de ces dernières semaines démontrent clairement que nous n'allons pas dans la bonne direction", ont-ils écrit dans Libérationet La Repubblica.

Comme il l'avait fait dans un entretien au Monde en début de semaine, Nicolas Sarkozy a, lui, continué à taper sur le gouvernement Tsipras. "Moi je veux dire au Premier ministre grec, 'prenez garde Monsieur, parce que les créanciers, ce sont les contribuables français, les contribuables européens. Ils ont joué la règle de la solidarité avec leurs frères européens, vous n'avez pas le droit de les insulter, vous n'avez pas le droit de fuir les responsabilités qui sont les vôtres' ", a-t-il taclé depuis la Fête de la Violette organisée par le courant de la Droite forte.

Enfin, le gouvernement allemand a continué à exprimer son scepticisme vis-à-vis de l'équipe au pouvoir à Athènes. "Quand on connaissait les données économiques et qu'on prenait au sérieux les déclarations d'Alexis Tsipras avant et après, alors on pouvait savoir que le gouvernement grec ne veut aucun programme de réformes", a déclaré dans un entretien au tabloïd Bild, farouchement critique vis-à-vis de la Grèce. Et le ministre d'ajouter : "c'est pourquoi j'étais dès le début très sceptique quant à un résultat des discussions avec le gouvernement d'Athènes. Que ce scepticisme soit finalement confirmé ne m'étonne pas vraiment".