Brexit : pour Sylvie Goulard, "la liberté, ça ne consiste pas à dire merde à la terre entière"

© BERTRAND LANGLOIS / AFP
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A.D
L'eurodéputée Sylvie Goulard tape du poing sur la table après le Brexit. Selon elle, les citoyens britanniques ont été instrumentalisés.
INTERVIEW

Près de 52% des citoyens du Royaume-Uni ont choisi la porte de sortie de l'UE. La députée européenne Sylvie Goulard était l'invitée de l'émission C'est arrivé arrivé cette semaine. Remontée, elle décrit un royaume "très désuni" et une instrumentalisation politique. 

"Un problème de développement du Royaume-Uni". L'eurodéputée se penche notamment sur les disparités géographiques et sociales du vote. "Ce n'est pas seulement un échec de l'Europe, c'est aussi un problème de développement social et économique du Royaume-Uni. Londres, la grande agglomération qui va bien, a majoritairement voté pour l'Europe. Les régions beaucoup plus défavorisées, les anciens bassins miniers, les zones industrielles où il y a moins d'avenir, les personnes d'un certain âge assez inquiètes ont plutôt contre le maintient dans l'Union européenne". 

Les "manipulations" de Cameron et Johnson. S'ajoute à cette fracture, "un détournement démocratique. En 2013, Cameron risque de perdre les élections, se dit 'il faut que je calme les eurosceptiques' et se lance dans l'aventure du référendum en pensant qu'il n'aura jamais à le faire parce qu'il pense continuer à gouverner avec le parti LibDems, pro-européen qui aurait bloqué le référendum. Or il s'est retrouvé élu avec la majorité absolue et a été obligé de mettre en oeuvre son référendum." Deuxième manipulation selon la députée : celle de Boris Johnson, ancien maire de Londres "qui a fait Eton, qui est un gosse de riche assez mal élevé qui cache ses origines sous des discours d'une grande vulgarité et fait croire qu'il est proche du peuple mais est totalement dans l'establishment."

Que faire néanmoins de cette expression démocratique ? "Ils n'ont pas voté avec leurs pieds mais on a fait appel de manière habile et perverse à la misère des gens qui est réelle. Il faut tirer des conséquences rapides : 1-le respect du choix démocratique même si je pense qu'il y a eu manipulation, 2- la nécessité de clarifier les choses pour que les investisseurs sachent où ils vont et que l'on ait pas à nouveau une récession."

La mondialisation, ce "tabou". D'autant que le Brexit pourrait avoir des effets contagieux sur ses voisins européens. "Evidemment que tout ça va être exploité. La démocratie est fragile. La liberté, ça ne consiste pas à dire merde à la terre entière, ça consiste à construite et à être dans son temps. Que vont faire nos pays tout seuls ? En matière financière ou économique, peut-on résister seul aux Etats-Unis ? Ce qui m’intéresserait beaucoup, ce serait que ceux qui se disent européens convaincus se comportent comme des gens convaincus. En France comme dans la plupart des pays en Europe, la manière dont se déroule le débat politique est minable. On ne fait pas entrer le débat mondial dans le débat national. On ne fait pas entrer la principale contrainte, la mondialisation, qui remet en cause l'organisation de nos pays. C'est le tabou. C'est le repli, le retour sur l'Etat nation."