Gaza 8:32
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Clothilde Mraffko édité par Léa Leostic
A Gaza, depuis l’instauration du cessez-le-feu le 20 mai dernier, le Hamas parade dans les rues pour revendiquer la victoire. Pendant ce temps-là, les habitants dressent le lourd bilan de cette guerre éclair. 250 Gazaouis ont été tués, dont 67 enfants. Beaucoup d’immeubles ont été détruits et la reconstruction sera longue. Ils demandent de l’aide à la communauté internationale.
REPORTAGE

Le cessez-le-feu est arrivé le 20 mai aussi soudainement que le ciel de Gaza s’est enflammé. Ces 11 jours d’intenses affrontements entre Israël et le Hamas laissent un bilan très lourd : 250 Gazaouis ont été tués, dont 67 enfants. 13 Israéliens ont également été tués. Comme souvent, les combats s’arrêtent lorsque chaque camp peut revendiquer la victoire auprès de son opinion. Dans la bande de Gaza, le Hamas parade dans les rues. Le mouvement islamiste s'est à nouveau repositionné en fer de lance de la résistance palestinienne face à Israël. Mais pour des habitants déjà affaiblis par un blocus strict, cette guerre éclair était inutilement dévastatrice. Ils n'attendent rien de ce cessez-le-feu qu'ils appellent pourtant de leurs vœux. Europe 1 s'est rendu sur place. 

"C'est un massacre"

Juste après le cessez-le-feu, pour leur première sortie, beaucoup de Gazaouis se sont retrouvés rue Al-Wahda, une des grandes artères commerçantes de Gaza City, dans un quartier chic. Hébétés, les badauds encore sous le choc s'arrêtent devant les ruines. Mohamed est lui aussi venu inspecter les dégâts. Derrière lui, l'immeuble a été à moitié pulvérisé et un escalier pend dans le vide. "Ils ont bombardé plein de quartiers à Gaza. L'Etat d'Israël pense que, comme ça, il fait pression sur la résistance palestinienne pour qu'on finisse par se rendre", dit-il à Europe 1.

Juste en face, des groupes défilent sous la tente pour présenter leurs condoléances. Le dimanche 16 mai, à 1 heure du matin, les avions israéliens ont bombardé la rue. Des immeubles entiers se sont effondrés sur eux-mêmes et 42 personnes ont été tuées. Adli Kolak a perdu 22 membres de sa famille en à peine quelques minutes : "C'est un massacre. Mon oncle était le plus ancien, il avait 85 ans. Qu'est-ce qu'il a fait ? C'était un vieil homme, à la fin de sa vie. Vous croyez que c'est lui qui lançait les roquettes ? Il y avait aussi son arrière-petit-fils. Il avait six mois, c'était un nourrisson, il était si petit. Il a été enfoui sous les ruines. On a dû rassembler son corps découpé en morceaux pour l'enterrer. Quels étaient leurs crimes à ces deux-là ? Nous ne sommes que des civils. Israël est un État criminel".

"On était en sécurité nulle part !"

Partout, des trous béants parsèment les rues. De mémoire de Gazaouis qui ont déjà vécu trois guerres depuis 2008, jamais les bombardements n'avaient été aussi intenses. "Ces pauvres gens ! Nous, on n’avait rien demandé. Ils nous attaquaient la nuit quand on dormait, quand on sortait dehors. On était en sécurité nulle part !", raconte Isman, 54 ans.

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© Clothilde Mraffko/Europe 1

Israël cherchait à détruire le système de tunnels du Hamas. L'Etat hébreu visait les tours en frappant au pied des immeubles qui se sont effondrés comme des dominos. Et personne ne sait comment Gaza va pouvoir se relever après toutes ces destructions. "Si Dieu le veut, on va nous aider pour qu'on revienne dans nos maisons et qu'on se sente en sécurité. Qu'on reconstruise la maison de mon voisin, et que je répare les dégâts dans la mienne. On vit sous blocus depuis plus de 14 ans, on n'a pas de salaire, pas de rentrées d'argent. La situation est très dure et les gens survivent grâce aux aides internationales. A part les petites subventions, on n'a rien d'autre sinon", explique un autre Gazaoui.

La communauté internationale a promis de payer pour la reconstruction

La communauté internationale a déjà promis de payer pour la reconstruction, mais tout prendra du temps. En attendant, Gaza recommence à vivre. Malgré les sourires, des ombres obscurcissent les regards. Au moindre bruit, certains sursautent et les plus jeunes sont les plus marqués. A Khan Younis, un peu plus au sud, une association intervient dans un quartier bombardé, devant une foule d'enfants, avec des chants, des danses et un clown pour offrir quelques instants d'insouciance. "C'est la première fois que je voyais la guerre. Mais là, je ne suis plus triste, je ne suis plus inquiet. C'est comme s'il n'y avait jamais eu la guerre", dit Ahmed, 11 ans, qui retrouve le sourire. Mais ce n'est pas le cas de tous ces enfants : "Je recommence à manger mais je suis encore angoissée", confie en revanche une de ses jeunes camarades, qui dit faire beaucoup de cauchemars.

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© Clothilde Mraffko/Europe 1

Juste à côté d'eux, une psychologue observe. Elle sait que dans les prochaines semaines, un travail va s'enclencher. "Une fois passé le choc, des troubles peuvent apparaître et influencer le développement psychologique de l'enfant. Notre rôle en tant que psychologue, c'est surtout de conseiller les familles, leur dire comment elles peuvent aider les enfants à traverser cette période difficile pour ne pas qu'elle laisse de traumatismes", explique-t-elle au micro d'Europe 1.

Peu de Gazaouis ont l'espoir de voir la guerre s'éloigner 

Cette fois ci, le cessez-le-feu a été conclu sans condition. Personne ne sait encore s'il va vraiment tenir. De toute façon, sans solution politique à Gaza, peu ont l'espoir de voir le spectre de la guerre s'éloigner pour de bon. A Gaza, les civils ont été particulièrement touchés, mais Israël se défend. L’Etat hébreux dit avoir visé des bureaux du Hamas et les fameux tunnels sous l'enclave. Le mouvement islamiste palestinien a d'ailleurs perdu 80 de ses hommes. Mais les bombardements semblent avoir tué beaucoup de simples Gazaouis, sans liens avec le Hamas, et l'ONU parle de possibles crimes de guerre. Jeudi, le conseil des droits de l'Homme des Nations unies s'est réuni en urgence à ce sujet. La Haute commissaire a déclaré qu'elle n'avait pas reçu de preuves que les bâtiments bombardés étaient utilisés à des fins militaires.

Les Gazaouis estiment qu’Israël avait tout à fait les moyens de viser les bureaux du Hamas sans détruire les bâtiments en entier. Certains avancent également que des bombardements ont été menés sans avertissement, et que les civils n'ont donc pas eu le temps d'évacuer leurs maisons. Dans sa commission d’enquête, l'ONU devrait aussi inspecter toutes les violations commises en territoire palestinien occupé dont Jérusalem-Est et en Israël, notamment sur les discriminations. Le Conseil des droits de l'homme examinera aussi les violations commises par les factions palestiniennes à Gaza.