Accusations d'agressions sexuelles : 53 pays réclament des explications aux dirigeants de l'OMS

L'Organisation mondiale de la santé est secouée par des accusations d'agressions sexuelles à l'encontre de certains de ses travailleurs.
L'Organisation mondiale de la santé est secouée par des accusations d'agressions sexuelles à l'encontre de certains de ses travailleurs. © Fabrice COFFRINI / AFP
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avec AFP , modifié à
Une cinquantaine de pays membres de l'Organisation mondiale de la santé, dont le Canada, l'Union européenne et les Etats-Unis, ont fait part vendredi de leur "inquiétude" sur des informations suggérant que les dirigeants de l'OMS n'ont pas rapporté des cas d'agressions sexuelles commis par des travailleurs de leur organisations.

53 pays membres de l'OMS ont exprimé vendredi leur "inquiétude" sur des informations suggérant que les dirigeants de l'agence onusienne ont omis de rapporter des cas d'agressions sexuelles commises par des membres du personnel de cette organisation.

De nouvelles accusations d'agressions sexuelles contre des travailleurs humanitaires depuis la mi-mai

"Nous avons exprimé notre inquiétude après des informations de médias suggérant que la direction de l'OMS était au courant de cas d'exploitation sexuelle, d'agressions et de harcèlement sexuel et a omis de les rapporter comme l'exige le protocole de l'ONU et de l'OMS, tout comme les allégations selon lesquelles des membres du personnel ont tenté d'étouffer ces affaires", peut-on lire dans ce texte présenté par le Canada au cours de l'Assemblée mondiale de la santé et signé notamment par l'UE et les Etats-Unis.

A la mi-mai de nouvelles accusations d'agressions sexuelles avaient été portées contre des travailleurs humanitaires, notamment de l'Organisation mondiale de la santé, en République démocratique du Congo. "Depuis janvier 2018, nous avons fait part de notre profonde inquiétude sur les allégations d'exploitation sexuelle, d'agressions et de harcèlement sexuel ainsi que sur des abus d'autorité, par rapport à des activités de l'OMS", soulignent encore les auteurs de cette déclaration commune.

"Des emplois en échange de relations sexuelles"

Les pays membres et le secrétariat de l'OMS - y compris le directeur général Tedros Adhanom Ghebreyesus - ont "débattu de ce sujet de façon vigoureuse et transparente" la semaine dernière. Ce vocabulaire diplomatique traduit en général de vifs échanges. Selon une enquête de l'agence spécialisée The New humanitarian (TNH) et la Thomson Reuters Foundation rendue publique le 12 mai, "22 femmes de la ville de Butembo ont déclaré que des travailleurs humanitaires masculins intervenant dans le cadre d'une crise d'Ebola (...) leur ont offert des emplois en échange de relations sexuelles".

L'année dernière une enquête similaire avait fait état de 51 cas dans la ville de Beni, également en République démocratique du Congo. Quatorze de ces femmes "ont déclaré que les hommes s'étaient identifiés comme étant des travailleurs de l'OMS", ont souligné les enquêteurs, à propos de faits remontant à 2019. Une enquête de l'agence de presse Associated Press (AP) s'appuyant sur des courriels internes mettait en cause deux médecins travaillant pour l'Organisation mondiale de la santé, dont l'un qui se vantait de ses liens avec le docteur Tedros.

Les deux médecins rejettent les accusations

Ces deux médecins ont rejeté ces accusations. Selon l'AP, l'enquête a révélé qu'"en dépit de leurs dénégations publiques, de hauts dirigeants de l'OMS étaient non seulement au courant de ces accusations d'agressions sexuelles en 2019 mais qu'on leur a aussi demandé comment réagir". Directement interpellés pendant un point de presse le 17 mai ni le docteur Tedros ni Mike Ryan, le chef du programme d'intervention d'urgence de l'OMS, n'ont répondu eux-mêmes à la question de savoir s'ils étaient au courant.

Vendredi, le docteur Tedros a pris la parole avant la publication du texte et a rappelé qu'il avait mis en place une commission indépendante qui doit rendre un rapport à la fin août sur ces allégations. "Les enquêteurs ont le pouvoir de suivre les preuves où qu'elle les mènent", a promis le directeur général, reconnaissant que de nombreux pays membres sont "frustrés" par la lenteur des procédures et le manque de transparence.

"Je sais que je parle au nom de tous mes collègues et de l'organisation quand je dis que nous prenons ces accusations très au sérieux. Y répondre et rectifier le tir sont l'essence même de ce que nous sommes", a-t-il ajouté.