Syrie : "un territoire mis en morceaux"

Le père Paolo Dall'Oglio décrit l'horreur sur le terrain en Syrie.
Le père Paolo Dall'Oglio décrit l'horreur sur le terrain en Syrie. © REUTERS
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et Ariane Lavrilleux , modifié à
TÉMOIGNAGE E1 - Le père Paolo Dall’Oglio s’est rendu en Syrie. Il raconte l’horreur sur le terrain.

Le retour. Quand il évoque la Syrie, le père Paolo Dall’Oglio parle de "son" pays. Ce jésuite italien était installé en Syrie depuis 30 ans quand il a été contraint à l’exil, en juin 2012, par le régime de Bachar al-Assad. Son tort ? avoir soutenu la révolution syrienne. C’est dans la clandestinité qu’il est retourné en Syrie le mois dernier, pour y rencontrer plusieurs factions de rebelles. Le jésuite, auteur de La rage et la lumière, un prêtre dans la révolution syrienne (Éditions de l'Atelier) confie à Europe 1 ses impressions sur ce "territoire mis en morceaux".

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"Destruction massive". Arrivé dans le nord de la Syrie depuis l’Irak, le père jésuite a constaté "la destruction massive par l’aviation du gouvernement d’Assad". "J’ai vu des gens sans bras, sans jambe, détruits, cassés par l’emploi désastreux des missiles balistiques Scuds", raconte Paolo Dall’Oglio, pour qui "tout peut se passer" dans ce "territoire mis en morceaux par les bombardements". "Il y a des bandes armées, des voyous", décrit le prêtre, racontant une anecdote : "j’étais en train de prendre un petit déjeuner sur l’herbe avec des amis et il y a eu un bruit d’avion. Les enfants se sont échappés immédiatement. Ils savaient ce que c’était le bruit d’un avion qui peut taper là comme ailleurs".

Pas de trace d’armes chimiques. Le prêtre n’a par ailleurs "pas vu de victimes d’armes chimiques", alors que le débat sur l’utilisation de ces armes par le régime d’Assad fait rage. Mais il a son analyse sur la "ligne rouge" qu’elles représentent pour les États-Unis. "Les Syriens qui se voient bombarder de façon massive se demandent ce que ça veut dire, cette ligne rouge. On a l’impression qu’avec la ligne rouge des armes chimiques, on a donné la permission d’utiliser toutes les armes qui ne sont pas chimiques", indique-t-il.

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© Reuters

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Une radicalité "temporaire". Le père Dall’Oglio a pu rencontrer sur le terrain toutes les composantes de la rébellion. Le prêtre catholique a été reçu par des salafistes et a même cohabité avec des islamistes radicaux du front al-Nusra, qui se revendique proche d’Al-Qaïda. Mais pour lui, cette radicalité n’est que "temporaire" et liée à l’absence de soutien international. Il rapporte les propos tenus par un chef religieux extrémiste : "j’ai attendu que les Américains et les Français viennent nous aider pour un an. Quand on a compris qu’ils nous avaient complètement abandonné, je me suis dit, c’est Dieu tout-puissant qui nous demande de nous libérer tous seuls. Le jour où nous aurons vaincu, il faudra tous les Syriens pour faire une Syrie pluraliste et démocrate". Pour Paolo Dall’Oglio, il est encore possible aujourd’hui d’espérer un "après-Assad" apaisé et démocratique. Et le prêtre de raconter une scène qui résume selon lui le fait que la bascule vers un islamisme radical n’a pas encore eu lieu : un jour seulement après avoir perdu son frère dans des combats, un chef djihadiste de la région d’Alep parlait de "réconciliation et d’avenir" avec des chiites de sa région, une communauté pourtant proche de Bachar al-Assad.

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