Syrie : "le régime est condamné"

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Charles Carrasco
La mort de trois hauts responsables syriens, dont le beau-frère du président, fragilise le clan Assad.

En seize mois de conflits, les violences ont fait plus de 17.000 morts. En majorité des civils. Mercredi, la rébellion syrienne a violemment répliqué, touchant cette fois pour la première fois des ministres. Trois hauts responsables syriens, dont le beau-frère du président Bachar al-Assad, ont été tués dans un attentat qui a pris pour cible le cœur de l'appareil sécuritaire à Damas. La capitale devient, chaque jour un peu plus, un champ de bataille.

Alors que le premier cercle du président est sévèrement touché, cet épisode peut-il précipiter la fin du régime ? Éléments de réponses.

Cette attaque marque-t-elle un tournant dans la crise ?

Des colonnes de fumée s'élevant au-dessus de Midan lundi.

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Longtemps réputé comme étant la forteresse du régime, le "mythe" de Damas a volé en éclat. La capitale s’est désormais transformée en zone de guérilla urbaine. La révolte vient d’en donner l’illustration en atteignant plusieurs haut-dignitaire syriens retranchés dans le bâtiment de la Sécurité nationale à Damas.

"Cela montre que le régime est à un moment de vérité. La révolte n’est plus cantonnée qu’aux zones périphériques mais également au cœur de la capitale. C’est un coup très dur", assure Karim Emile Bitar, directeur de recherche à l’Iris et spécialiste du Proche et Moyen-Orient, joint par Europe1.fr. "Le régime a pris conscience que le cœur de l’appareil de l’Etat, ainsi que la famille Assad, n’était plus à l’abri", précise-t-il. Pour Antoine Basbous, spécialiste du monde arabe et fondateur de l'Observatoire des pays arabes, interrogé par France TVinfo, cette attaque donne "un avantage" au camp de l'opposition qui a selon lui déjà réalisé "le gros œuvre".

Pour renforcer ses positions, l'armée mène, depuis quatre jours, des offensives tous azimuts dans la capitale syrienne. Elles se poursuivaient mercredi dans plusieurs quartiers hostiles au régime et désormais farouchement défendus par les rebelles, selon des militants et l'Observatoire syrien (OSDH). Les périphéries du quartier huppé de Mazzé (ouest), de Jobar, Kafar Soussé et Tadamoun (sud) étaient même "mitraillés par des hélicoptères". Des combats se déroulaient également à Khaled ben el-Walid, grande artère de la capitale menant au centre-ville et des chars pilonnent le quartier de Qaboune dans le nord-est de la ville.

Qui sont les dignitaires tués ?

Le beau-frère du président Bachar al-Assad, Assef Chawkat, faisait partie du premier cercle du président. "Il sont une dizaine", affirme le chercheur à l’Iris. Ce général est une personnalité très importante des services de sécurité syriens. Bachar el-Assad s’est appuyé sur lui asseoir son pouvoir. Chawkat serait même devenu l'homme le plus puissant de Syrie, relate Courrier International. Il est notamment connu pour s’être impliqué directement dans les affaires libanaises.

"Il incarne la face obscure du régime, le préposé à l’exécution des basses œuvres du régime. Il souhaitait assurer la main mise de la Syrie sur Liban. Il a personnellement menacé beaucoup de Libanais qui ont été tués par la suite comme Hariri ou des journalistes", assure Karim Emile Bitar.

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L’attentat a également visé deux cibles importantes du régime : le ministre de la Défense, le général Daoud Rajha, qui avait un rôle important dans la répression, ainsi que le chef de la cellule de crise mise en place pour mater la révolte, le général Hassan Turkmani. "L’esprit de corps du clan Assad s’effrite et la méfiance des dignitaires entre eux" s’est installé, ajoute le spécialiste.

Le régime-est-il menacé ?

assad

Alors que la rébellion ne donne pas de signes de faiblesse, que les défections se multiplient et que, pour la première fois, des ministres sont tués, le régime syrien semble de plus en plus aux abois. Le clan Assad a donc décidé d’intensifier les frappes avant le ramadan, censé débuter le 20 juillet. Selon Hassan, un ingénieur cité par le quotidien Le Monde, "si le pouvoir ne reprend pas le contrôle des quartiers insurgés, ce mois risque d’être difficile pour lui. L’an dernier, le ramadan avait déjà marqué un tournant à Damas, il avait coïncidé avec l’entrée massive de la ville dans la révolte".  

Après cet attentat qui a frappé le cœur du clan Assad, "le régime est condamné. C’est une question de mois", affirme Karim Emile Bitar. "Certains vont quitter le navire, d’autres généraux alaouites lui resteront fidèles. L’idée est seulement de grappiller du temps", note ce chercheur de l’Iris.

Quelle issue ?

Les négociations diplomatiques piétinent toujours. Le vote prévu mercredi à l'ONU sur une résolution occidentale menaçant le régime syrien de sanctions a été reporté à jeudi matin à la demande de Kofi Annan, qui espère encore un compromis avec Moscou.

Pendant ce temps, à Damas, le régime a vraisemblablement un "plan B", explique Karim Emile Bitar. "Il est possible qu’il se replie sur les zones côtières à l'ouest, où il envisagerait de créer un Etat alaouite dans l'Etat", précise-t-il. Une hypothèse dont plusieurs sources proches du régime, des alliés et des experts se font l’écho ces dernières semaines. L’idée du clan Assad serait donc de faire fuir les Sunnites de l’Ouest en intensifiant la répression, comme ce fut le cas lors du massacre de Treimsa qui avait fait plus d’une centaine de morts.