Passer ses vacances en Irak, c’est possible

Des touristes à Bagdad
Des touristes à Bagdad © REUTERS
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ENQUÊTE E1 - Malgré les violences et les attentats, le tourisme existe (un peu) en Irak.

Des couchers de soleil sur un décor champêtre, des mosquées aux couleurs chatoyantes et des vestiges archéologiques du mythique empire babylonien : ces photos, à mille lieues des images habituelles d’un Irak déchiré par la guerre et les attentats, on les trouve sur la page Facebook créée par Nawar Al-Saadi, un Irakien désireux de promouvoir le tourisme dans son pays. Le but de ce trentenaire originaire de Bagdad et installé en Roumanie pour son doctorat ? "Montrer aux étrangers ce qu’on a en Irak", explique-t-il à Europe 1. 

tourisme en irak

© DR/PAGE FACEBOOK TOURISM IN IRAK

Le tourisme existe déjà dans le pays : on y compte environ 1,5 millions de visiteurs internationaux par an, selon Amr Abdel-Ghaffar, directeur régional pour le Moyen-Orient de l’Organisation mondiale du tourisme, une agence des Nations unies, qui souligne toutefois que ces données fournies par les autorités irakiennes ne sont pas fiables à 100%. A titre de comparaison, la France, première destination touristique du monde, a accueilli 23 millions de touristes en 2013. Parmi ceux qui se rendent en Irak, on trouve une majorité de touristes religieux, venus visiter les villes saintes de Najaf ou Kerbala, ainsi que des personnes venues pour affaires. 

Erbil, capitale du tourisme arabe en 2014

nawar al-saadi, irak

© DR

Il existe d’ailleurs une région d’Irak où le tourisme est déjà bien développé : le Kurdistan irakien, région autonome où la sécurité est relativement assurée. Sa capitale, Erbil, a même été nommée… capitale du tourisme arabe pour 2014 par la Ligue arabe !  Là-bas, "il y a beaucoup d’hôtels, de banques, d’aéroports… et c’est beau", décrit Nawar Al-Saadi. 

Gabriel Kerdoncuff, musicien français, ne dira pas le contraire : il en est à son troisième voyage au Kurdistan, pour des motifs d’abord liés à son activité. Dans la province, il a été "frappé" par des paysages "d’une beauté à couper le souffle", entre "l’attrait des montagnes" et "des plaines magnifiques". "A aucun moment je n’ai eu de crainte", assure-t-il. A Erbil, les mesures de sécurité sont drastiques : à l’entrée des magasins, "on passe son sac dans un scanner, on a une fouille… comme à l’aéroport". 

Un tour-opérator créé par un Français

Pas question en revanche pour ce Français d’imaginer visiter les autres régions d’Irak, en proie à une insécurité croissante. Depuis le début de l’année, les violences ont déjà fait plus de 3.100 morts et les attentats sont quasi-quotidiens. Sur son site de "Conseils aux voyageurs", le quai d’Orsay déconseille "formellement" de se rendre dans le pays, sauf dans le nord, où les déplacements sont "déconseillés sauf raison impérative". Mais quelque rares voyagistes proposent tout de même des itinéraires touristiques dans le pays, et pas seulement au Kurdistan. 

Erbil, au Kurdistan irakien

© REUTERS

C’est le cas de l’agence française Terre Entière, dont le PDG, Hubert Debbasch, a monté sur place un tour-opérator baptisé Babel Tours. L’entreprise dénombre près de 600 clients en 2013, et en prévoit près de 1.000 en 2014. Pas question d’organiser du tourisme de guerre : "il y a peu de demandes de personnes qui ont des désirs malsains, de voir des attentats ou de la violence. Et on fait tout pour les décourager", insiste Hubert Debbasch. Ses clients sont surtout motivés par la découverte des richesses archéologiques de l’Irak, ce pays "qui est l’une des matrices de notre culture". 

Mais il manque des "pros" du tourisme

Moyennant un peu moins de 2.900 euros, son agence propose un circuit d’une dizaine de jours à Bagdad, Babylone, Kerbala ou encore Ur, où l’on peut admirer les ruines d’une ziggurat, un édifice religieux datant de l’époque mésopotamienne. Ce site est d’ailleurs le préféré de Nawar Al-Saadi, l’Irakien qui veut changer l’image de son pays et y promouvoir le tourisme. Le trentenaire assure qu’il existe un vrai intérêt en Europe pour le patrimoine irakien. Sur les quelque 25.000 "likes" que compte sa page Facebook, qu’il gère avec deux amis, "la moitié sont des étrangers", assure-t-il. "Beaucoup de gens en Europe ont aujourd’hui envie de ce genre de tourisme", soutient l’Irakien.

Le site de Ur, en Irak

© REUTERS

Le jeune homme déplore toutefois la "faiblesse" de son gouvernement, qu’il résume en une anecdote : "on m’a contacté depuis le Danemark pour me demander combien cela coûtait d’aller visiter Bagdad et ses alentours pendant dix jours. J’ai posé la question au ministère du tourisme il y a six mois. Je n’ai toujours pas eu de réponse…". Son credo : "il nous faut des professionnels" dans le secteur. Il y a aussi encore beaucoup à faire pour "reconditionner et mettre en valeur" des sites qui ont été "négligés" pendant les décennies de guerre, abonde Amr Abdel-Ghaffar, de l’Organisation mondiale du tourisme. 

Tourisme en Irak, Facebook

© CAPTURE D'ECRAN

L’organisme collabore avec les autorités irakiennes, travaillant en priorité sur le "renforcement institutionnel et le cadre législatif et réglementaire". Nawar Al-Saadi, lui, continue à poster des images de Bagdad "by night", de plats irakiens typiques ou de montgolfières au carnaval de Babylone. Car le jeune homme est déterminé à tout faire pour changer l’image négative de son pays, et il en est persuadé : "dès que la situation sécuritaire sera meilleure, l’Irak deviendra une vraie destination".   

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