Les clubbers libanais prêts à la "guerre"

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BLING-BLING VS. RELIGIEUX - Un député du Hezbollah menace de fermer les boîtes de nuit. Pas question, répondent les Libanais.

L’INFO. Au Liban, la fête est un sujet sérieux. Alors quand un député du Hezbollah, le mouvement chiite libanais, à la fois parti politique et milice, qui soutient le régime syrien, commence à menacer les boîtes de nuit, c’est le tollé dans la presse locale, selon Courrier International. Pour les Libanais, impensable d’imaginer leur pays sans sa fameuse vie nocturne. A en croire un Beyrouthin interrogé par Europe1.fr, ils seraient même prêts à "faire la guerre" pour sauver leurs boîtes de nuit.

mohammad raad, hezbollah, 400, REUTERS

La menace de Mohammad Raad. Le coup est venu du député Mohammad Raad, patron du "Bloc de la fidélité à la Résistance", le groupe parlementaire du Hezbollah au parlement libanais, qui compte une dizaine de membre. A la mi-novembre, il a décrit sa vision d’un Liban "post-Résistance", un terme faisant référence au Hezbollah, et décrit au passage le Liban qu’il voulait voir disparaître, cet "endroit où les boîtes de nuit prédominent", peut-on lire sur le site Gulfnews. En clair, dans sa vision d’un "nouveau Liban", exit les boîtes de nuit.

"Les plus grosses boîtes du monde". Mais Mohammad Raad a peut-être mal choisi sa cible. Car au Liban, et particulièrement à Beyrouth, la vie nocturne est une institution. "Pour les Libanais, c’est le quotidien", souligne Maher Chahlawi, un trentenaire qui vit à Beyrouth et qui sort trois ou quatre fois par semaine. Dans sa ville, on trouve "les plus grosses boîtes au monde", explique-t-il à Europe1.fr. Le site spécialisé Timeoutbeirut recense près de 180 bars de nuit et boîtes dans la capitale libanaise, avec toutes les ambiances imaginables. "Les Libanais vivent le quotidien en week-end", avec des soirées qui durent jusqu’à 5 ou 6 heures du matin, suivie du petit-déjeuner, "à la libanaise". "Et à 8 heures, on est au boulot !", promet-il.

boîte de nuit à Beyrouth, 460, REUTERS

C’est dans "l’ADN du Liban". Ce mode de vie, les Libanais ne sont pas prêts d’y renoncer. "Ils ne peuvent pas s’en passer, chrétiens ou musulmans", insiste de son côté Charbel Farhat, un Libanais installé en France qui retourne régulièrement à Beyrouth. Comme le souligne le journal francophone L’Orient-Le Jour, "c’est à l’ADN même du Liban que le Hezbollah veut toucher". Confrontés à une situation économique et politique difficile, "les gens ont besoin d’oublier tout cela, et c’est le soir que ça se passe", note de son côté Maher Chahlawi. Même dans les moments les plus durs, la fête ne s’arrête jamais. "Pendant la guerre du Hezbollah contre Israël en 2006, les bars ont tous changé d’adresse, ils sont partis de Beyrouth vers les montagnes, mais il y avait toujours une vie nocturne", se souvient Charbel Farhat.

La classe politique s’en mêle. Le député Boutros Harb, ancien ministre du Travail, a protesté contre les propos de Mohammad Raad, estimant que le Hezbollah voulait "effacer l’identité du Liban, sa mission et sa civilisation", en "dominant le pays et en décidant à la place de ses institutions légitimes, mais surtout à la place de son peuple". Pour Boutros Harb, le Hezbollah méprise tout simplement le concept de "convivialité", "avec les autres composantes de la société libanaise".

boîte de nuit à Beyrouth, 460, MAXPPP

"Les Libanais prêts à faire la guerre pour une histoire pareille". Les menaces du Hezbollah ont-elles une chance d’être mises à exécution ? Charbel Farhat et Maher Chahlawi n’y croient pas. "Ce ne sont que des paroles sans actes", estime le premier. "C’est clair qu’ils ne vont pas faire un truc pareil", abonde le second. Car une telle mesure aurait un effet dévastateur sur l’industrie du tourisme, déjà en berne en raison du conflit syrien et de la situation sécuritaire dans le pays, note Al-Hayat, traduit par Courrier International. Sans compter que les clients des bars et boîtes de nuit de Beyrouth sont issus de toutes les communautés et même des rangs des partisans du Hezbollah. Alors, conclut Maher Chahlawi, "au Liban, si une telle chose était faite, on pourrait parler d’une guerre civile : les Libanais sont prêts à faire la guerre pour une histoire pareille !"

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