Le génie mathématique Alan Turing (enfin) gracié

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avec AFP
PARDON - Père de l'informatique, le mathématicien britannique avait été condamné en 1952 pour homosexualité.

L'INFO. Sans lui, la Seconde Guerre mondiale aurait peut-être duré un ou deux ans de plus. Considéré comme "l'Einstein des mathématiques", il est l'un des pères de l'informatique. Et pourtant, le Britannique Alan Turing a vu la fin de sa vie assombrie par une condamnation pour homosexualité après laquelle il aurait mis fin à ses jours en 1954. Soixante ans plus tard, l'injustice est enfin réparée : le mathématicien a été gracié par la reine Elizabeth II, sur proposition du ministre de la Justice.

Un mathématicien de génie. Passé par Cambridge et Princeton, Alan Turing, personnage extravagant, est un scientifique accompli. Dès 1936, il annonce qu'il veut "construire un cerveau" et décrit "la machine universelle Turing", posant les bases de ce qui deviendra l'informatique, raconte le Nouvel Observateur. Le mathématicien, qui portait un masque à gaz quand il circulait à vélo, pour éviter le rhume des foins, a aussi exploré la question de l'intelligence artificielle et, dans ce domaine aussi, posé des jalons qui font encore référence aujourd'hui.

Il avait "cassé" les codes allemands. Mais Alan Turing est surtout connu auprès du grand public pour son rôle pendant la Seconde Guerre mondiale. Il travaille alors à Bletchley Park, le principal site de décryptage de Grande-Bretagne, où il parvient à "casser" les codes de la machine Enigma, utilisée par les sous-marins allemands dans l'Atlantique Nord. Grâce à ses machines, les Britanniques interceptent les communications entre les sous-marins allemands et l'état-major nazi, note Le Monde. Un avantage décisif pour Londres, sans lequel Hitler aurait pu tenir un an ou deux de plus, selon certains historiens.

la machine d'Alan Turing, REUTERS

Condamné et castré chimiquement. Après la guerre, ce fait d'armes lui vaut aussi une attention un peu trop soutenue des services de renseignements. Alan Turing ne fait pas mystère de sa préférence pour les hommes, mais en pleine Guerre Froide, les autorités britanniques considèrent les homosexuels comme des proies faciles pour les agents soviétiques, et donc des traitres en puissance, explique au Guardian l'un de ses biographes. En 1952, Alan Turing est condamné pour "outrage aux bonnes mœurs". Il perd son poste et subi une castration chimique. Deux ans plus tard, un soir, avant d'aller se coucher, le mathématicien croque dans une pomme qui a macéré dans du cyanure et meurt, à l'âge de 41 ans. La thèse du suicide n'a jamais été formellement prouvée.

Des campagnes pour le réhabiliter. Depuis plusieurs années, les campagnes pour la réhabilitation du génie des mathématiques s'étaient intensifiées en Grande-Bretagne. En 2009, Gordon Brown, alors Premier ministre, lui avait présenté des excuses posthumes, reconnaissant qu'il avait été traité "horriblement". Une pétition pour qu'il soit gracié a recueilli plus de 37.000 signatures en 2012. C'est finalement le ministre de la Justice, Chris Grayling, qui s'est saisi du dossier et a proposé de gracier cet "homme exceptionnel avec un esprit brillant". Ce pardon, accordé par la reine, entre en vigueur mardi.