La France peut-elle vraiment aider en Irak ?

Les forces françaises, déjà engagées dans des opérations lourdes au Mali et en Centrafrique, ont des capacités limitées pour intervenir dans la région.
Les forces françaises, déjà engagées dans des opérations lourdes au Mali et en Centrafrique, ont des capacités limitées pour intervenir dans la région. © Reuters
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avec AFP , modifié à
BONNE VOLONTÉ - François Hollande l'assure : la France est "prête à prendre toute sa part" dans la lutte contre les djihadiste. Mais en a-t-elle encore les moyens ?

La France est "prête à prendre toute sa part" à la lutte contre les djihadistes en Irak, a déclaré François Hollande vendredi. La France va "examiner d'éventuelles actions avec ses partenaires" et "se félicite" de l'intervention américaine, a indiqué le président français dans un communiqué. Barack Obama avait annoncé jeudi qu'il avait autorisé des parachutages humanitaires en Irak et, si nécessaire, des frappes aériennes ciblées contre les djihadistes pour protéger le personnel américain et éviter un "génocide" des minorités menacées par l'Etat islamique. Les premières frappes américaines ont commencé vendredi.

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"Pas question d'envoyer des troupes". Le "soutien" envisagé par Paris aux forces engagées contre les jihadistes de l'État islamique (EI) en Irak pourrait prendre la forme de frappes aériennes ou de largages humanitaires, selon les experts des questions de défense, qui doutent de la capacité de la France à peser sur le conflit. Les forces françaises, déjà engagées dans des opérations lourdes au Mali et en Centrafrique, ont des capacités limitées pour intervenir dans la région. "A part des frappes aériennes, il n'y a rien que nous puissions faire. Il n'est pas question d'envoyer des troupes", constate Eric Denécé, du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R).

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En outre, l'armée irakienne et les forces kurdes engagées contre les combattants de l'EI disposent de quantité de matériels fournis par les États-Unis. Ils n'ont donc pas de problèmes urgent d'approvisionnement en armes. Et les Américains, qui ont bombardé pour la première fois vendredi des positions de l'État islamique, sont en mesure de mettre "dix fois plus de moyens" que la France, souligne le directeur du CF2R.

Des frappes aériennes seraient déjà efficaces. Le général Dominique Trinquand, spécialiste de la gestion de crise, estime en revanche que des frappes aériennes sont "tout à fait envisageables". Elles sont vraiment efficaces "essentiellement sur les éléments logistiques", comme des dépôts d'armes ou de carburant, difficiles à identifier dans les vastes zones du conflit irakien.

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Autre solution, envisagée par les Etats-Unis : le parachutage d'aide humanitaire, pour aider les dizaines de milliers de chrétiens et de Yazidis fuyant l'avancée des extrémistes sunnites dans le nord de l'Irak. "Ce serait possible, mais on n'a déjà pas les moyens aériens d'aller faire des rotations pour ravitailler nos troupes au Mali ou en Centrafrique", déplore Eric Denécé. "On va mettre un avion pendant une semaine sur une base turque qui va faire cinq aller-retour, mais ça n'aura aucun impact sur la situation". Constat partagé par le général Trinquand pour qui, au-delà de la volonté légitime de venir en aide aux populations victimes des combats, "l'aide humanitaire est un pis-aller". "Ça ne veut pas dire que la France ne peut pas mettre un avion symboliquement pour participer à du largage humanitaire, pour montrer qu'elle travaille avec les Américains, mais on est dans une telle disproportion de moyens...", souligne-t-il.

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"Soutenir l'armée libanaise".  En période de fortes contraintes budgétaires pour les armées, la marge de manœuvre est étroite. Pour le général Trinquand, le premier soutien que la France peut fournir pour bloquer l'offensive jihadiste c'est "de soutenir l'armée libanaise, en particulier en l'approvisionnant en armement". Mardi, le Liban a demandé à Paris d'accélérer ses livraisons d'armes et d'équipements militaires dont il a un besoin crucial pour contrer la poussée jihadiste à ses frontières. Une requête à laquelle la France s'est dite prête à "répondre rapidement".

Paris doit ensuite "se coordonner avec les Américains", souligne l'officier général, qui plaide pour "une répartition des tâches" entre les deux. "Que les Américains, qui connaissent bien l'Irak, s'occupent de ce qui se passe en Irak et que la France s'occupe plutôt du soutien au Liban". La mise en oeuvre du porte-avions Charles-de-Gaulle en appui au large du Liban aurait, selon lui, "un effet significatif majeur", pour affirmer le "soutien direct" des forces françaises aux forces libanaises. Pour l'heure, le bâtiment est prévu dans la commémoration du débarquement en Provence, le 15 août au large de Toulon.