Google dans l'œil de la Cnil

Les nouvelles règles de confidentialité de Google inquiètent la Cnil
Les nouvelles règles de confidentialité de Google inquiètent la Cnil © REUTERS
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Solène Cordier , modifié à
ZOOM - L'institution estime que les règles de confidentialité sont contraires à la législation.

Les libertés numériques et le respect de la vie privée font décidément partie des combats de ce siècle. Dernier épisode en date : le différend qui oppose le géant Google à la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil), une institution française mandatée par ses 27 homologues européens pour enquêter sur les nouveaux paramètres de confidentialité de la firme. La Cnil a demandé à Google de repousser leur entrée en vigueur, prévue le 1er mars. Une requête à laquelle la firme de Mountain View a opposé une fin de non-recevoir. Quelles sont ces nouvelles règles et pourquoi la Commission nationale de l'informatique et des libertés se montre-t-elle inquiète ? Europe1.fr fait le point.

>> Qu'est-ce qui va changer avec ces nouvelles règles de confidentialité ?

Depuis un mois, un message informe les utilisateurs des différents services de Google (Gmail, Youtube, Android, Google Maps…) de la mise en œuvre le 1er mars d'une nouvelle politique de confidentialité.

Les données des utilisateurs seront regroupées à compter de cette date dans un seul et même profil. Google affirme que cette fusion, qui permet de "réduire et simplifier les règles", sera réalisée dans le respect de la vie privée de ses utilisateurs.

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>> Pourquoi la Cnil s'inquiète-t-elle ?

Veiller au respect de la vie privée des internautes, c'est justement la mission de la Cnil. Or, l'institution a fait part de son inquiétude face aux changements mis en oeuvre par Google. Elle estime, après une enquête préliminaire, que ces nouvelles règles ne respectent pas les exigences de la Directive européenne de la protection des données (95/46/CE).

Yann Padova, le secrétaire général de la Cnil, explique à Europe1.fr les reproches adressés au géant américain :

"On identifie à ce stade trois problèmes principaux. Google déclare que sa nouvelle politique va simplifier l'utilisation de ses services, mais en même temps elle la rend beaucoup plus opaque. Avec ces nouveaux paramètres, il est quasiment impossible de savoir quelle type de données vont être collectées et pour quelle application. Le deuxième problème est lié à l'utilisation des cookies. Depuis 2002, la loi prévoit que l'internaute donne son consentement pour l'ouverture des cookies. On pense que ce ne sera pas le cas avec cette nouvelle politique. Enfin, Google reconnaît que les données qu'elle va recueillir vont être utilisées et interconnectées. Il y aura donc des échanges d'informations au sein de Google, et ce de manière encore une fois très opaque et potentiellement intrusive."

Sur son site, la Cnil écrit que "la fusion des règles de confidentialité des services de Google rend impossible la compréhension des données personnelles collectées, des finalités, des destinataires et des droits d’accès pertinents pour chaque service". Elle donne l'exemple suivant : "les nouvelles règles autoriseraient Google à afficher sur YouTube des publicités liées à l’activité de l’utilisateur sur son téléphone Android (numéro de téléphone, numéros appelants, heure et durée des appels) et à sa localisation."

Mandatée par les autres "Cnil" européennes, l'institution française a écrit à deux reprises à Google pour lui demander de repousser l'entrée en vigueur de sa nouvelle politique. Sans succès.

>> Quelle est la réponse de Google ?

Sur les délais, c'est non. Par crainte de "créer la confusion" chez ses quelque 350 millions d'utilisateurs, Google refuse de repousser l'entrée en vigueur de ses nouvelles règles. Dans une lettre publiée sur son blog consacré à la confidentialité des données, à l'attention de la directrice de la Cnil Isabelle Falque-Pierrotin, la firme américaine écrit qu'elle a informé en temps et en heure ses utilisateurs, qu'elle a à plusieurs reprises proposé à la Cnil de la rencontrer et qu'elle reste "ouverte à cet échange".

Elle se dit en outre confiante "dans le fait que notre nouvelle politique de confidentialité, simple, claire et transparente, respecte toutes les lois et principes européens en matière de protection des données personnelles".

>> Quel pouvoir la Cnil peut-elle exercer sur Google ?

Le secrétaire général de la Cnil indique que l'institution va donc tester la nouvelle politique de vie privée "in situ". Et de détailler à Europe1.fr le calendrier : "Nous allons envoyer un questionnaire technique beaucoup plus complet à Google mi-mars. L’entreprise nous répondra probablement en avril. A la suite de quoi, nous nous réunirons avec nos homologues européens pour adopter une position commune, qui sera probablement arrêtée avant l’été."

Chaque Etat appliquera à partir de cette position commune une réponse nationale. S'il s'avère que Google enfreint la législation européenne, Yann Padova rappelle que la Cnil dispose d'un pouvoir de sanction, qu'elle a déjà exercée contre la firme dans l'affaire Street View, en la contraignant à payer une amende de 100.000 euros. "Mais l'enjeu n'est pas celui de la sanction financière. Google a besoin de la confiance de ses utilisateurs et ne peut donc pas prendre le risque d'un conflit avec les différentes Cnil européennes, qui détournerait les internautes de ses services. C'est un enjeu d'image important pour eux", explique le secrétaire général.