Colombie : 5 raisons de croire à la paix

Le colonel Cristian Flores, membre de la police, a été tué après une attaque des Farc. Sa fille manifeste à Bogota.
Le colonel Cristian Flores, membre de la police, a été tué après une attaque des Farc. Sa fille manifeste à Bogota. © Reuters
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Charles Carrasco avec AFP , modifié à
En octobre, le gouvernement colombien va entamer des négociations avec la guérilla des Farc.

C’est un processus de paix historique qui se joue actuellement en Colombie. Le gouvernement a annoncé mardi l'ouverture de négociations avec la guérilla des Farc. Elles se dérouleront à partir d'octobre en terrain neutre, en Norvège, puis à Cuba. Après plusieurs tentatives infructueuses avec les précédents gouvernements, le président Juan Manuel Santos a posé les bases d’une résolution du conflit après un demi-siècle d’affrontements armés. La veille, la guérilla des Farc avait diffusé à La Havane une vidéo de son dirigeant suprême Rodrigo Londoño, connu sous le nom de guerre de "Timochenko". Il estimait qu'"un nouveau processus de dialogue est en marche, afin de parvenir à la paix sur notre terre".

Si les négociations s’annoncent tout de même délicates, Europe1.fr vous détaille les 5 raisons d’espérer une issue positive à ce conflit qui dure depuis près d'un demi-siècle.

Parce que les négociations ont été bien lancées. Ce futur dialogue de paix constitue la quatrième tentative de négociations en trente ans avec les Farc, la plus ancienne guérilla d'Amérique latine. La dernière expérience, vécue comme un traumatisme dans le pays, remonte à 2002. A l’époque, le gouvernement d’Andres Pastrana avait suspendu, après quatre ans d'un dialogue infructueux, la démilitarisation d'une vaste région dans le sud, estimant que la guérilla en avait profité pour se renforcer.

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Cette fois-ci, le gouvernement a fait les choses dans l’ordre. Une dizaine de réunions préparatoires, d’une durée de 4 à 8 jours, ont eu lieu entre février et août. Pas moins de 65 rencontres bilatérales ont également été effectuées, rapporte le quotidien colombien Semana. Ces discussions, menées depuis six mois, "de manière directe et en toute discrétion," dans la capitale cubaine, ont fait l'objet d'un "travail de préparation d'un an et demi", a affirmé Juan Manuel Santos, le président. Pour autant, rien n’est encore résolu. Les débats futurs s'annoncent tendus mais "réalistes" pour le journal Semana. Ils porteront sur six points précis comme la question agraire, celle du trafic de drogue, l'instauration d'un cessez-le-feu, ainsi que la réinsertion des guérilleros et leur accès à la scène politique. Autant de sujets explosifs au sein de l’opinion colombienne.

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Parce que Santos joue sa réélection. En lançant un dialogue de paix avec la guérilla des Farc, le président colombien tente un audacieux pari que n'a réussi aucun de ses prédécesseurs. Une résolution d’un tel conflit qui mine le pays lui assurerait une réélection dans un fauteuil à la prochaine présidentielle. "Santos ne joue pas seulement sa réélection en 2014 mais aussi son propre destin", a estimé Leon Valencia, directeur de la fondation Nuevo Arco Iris, spécialiste du conflit colombien.

Le président Santos veut également se démarquer de son prédécesseur, Alvaro Uribe qui, depuis plusieurs mois, multiplie les sorties médiatiques et critique les choix de son ex-ministre, aujourd’hui au pouvoir. "Les détracteurs (de M. Santos) vont faire en sorte que la paix soit le thème central de sa présidence, car c'est là où il y a évidemment le plus de risque", a décrypté le politologue colombien Maurico Romero. Mais l'accord conclu avec les Farc est "différent" des précédents, a pour sa part insisté le président colombien, insistant sur le fait qu'il n'incluait "ni démilitarisation, ni arrêt des opérations militaires".

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Parce que les Farc sont diminuées. Depuis plusieurs années, le mouvement, fondé en 1964, s’est considérablement affaibli, passant de 17.000 combattants au début des années 2000 à environ 9.200 aujourd’hui. Les combattants des Farc sont désormais repliés dans les régions rurales, après une série de revers militaires qui ont divisé par deux le nombre de ses troupes en dix ans. Récemment, l’appareil militaire et idéologique du régime s’est retrouvé décapité, perdant ses "têtes pensantes". Alfonso Cano, 63 ans, considéré comme l’idéologue des Forces armées révolutionnaires de Colombie, a été tué en 2011. Quelques mois plus tôt, le plus puissant chef militaire de la guérilla, Jorge Briceno, alias "Mono Jojoy", a également été tué dans un bombardement.

Depuis plusieurs semaines, des signes tendent également à accréditer l’idée que la guérilla est de plus en plus ouverte au dialogue. Comme le note le journal Semana, les  responsables des Farc sont apparus, en préambule du discours de "Timochenko", sans uniforme, tous vêtus comme des civils. Une image qui détonne alors que les Colombiens étaient habitués à voir les guérilleros en treillis avec leurs armes sur la table. La dernière déclaration des Farc est accompagnée d’une chanson dans laquelle des guérilleros s’adonnent au rap. Ils "vont à La Havane pour discuter avec ceux qui les accusaient de mentir sur la paix", peut-on entendre dans les paroles de cette chanson. Un symbole de modernité jusque là très peu en vogue au sein de la révolution marxiste.

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Parce que Chavez et Castro s’impliquent. Les deux poids-lourds de la région se sont pleinement engagés dans le processus. Le gouvernement colombien aurait initié dans le plus grand secret ce rapprochement depuis le mois de février à La Havane, sous les auspices des chefs d'Etat cubain, Raul Castro et vénézuélien, Hugo Chavez. Suspecté d’entretenir des liens avec la guérilla par son voisin, Chavez, qui est lui aussi engagé dans sa réélection, a manifesté sa volonté d’accompagner Santos dans ce processus. "Accompagnons la Colombie, sœur, dans ses efforts pour parvenir à la paix !", a écrit le chef de l'Etat vénézuélien sur Twitter.

"Comme disait Simon Bolivar : ‘La paix est mon port, ma paix est mon tout’", a poursuivi Hugo Chavez, qui se réfère fréquemment au héros de l'émancipation des colonies espagnoles en Amérique du Sud.

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Parce que les Etats-Unis soutiennent Santos. Alors que la gauche radicale est omniprésente en Amérique latine, la Colombie s’est toujours distinguée de ce bloc. Elle fait partie des alliés traditionnels des Etats-Unis sur le continent. Une étroite coopération existe, notamment dans la lutte contre le trafic de drogues, pour lequel la Colombie perçoit des aides importantes.

Le président américain Barack Obama, engagé lui aussi dans sa réélection, a fait preuve d’enthousiasme pour le gouvernement Santos. "L'administration (colombienne) a démontré son ferme engagement dans la recherche d'une paix durable et d'une vie meilleure pour tous les Colombiens", a indiqué Barack Obama dans un communiqué. L’administration américaine va donc faire pression pour ce conflit trouve une issue. "Les Farc devraient à présent saisir cette opportunité pour mettre fin à des décennies de terrorisme et de trafic de drogue, et permettre au peuple de Colombie de construire une société démocratique, prospère et juste", conclut le communiqué de la Maison Blanche.