Berlusconi va-t-il réussir son coup ?

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Charles Carrasco , modifié à
LE POINT DE VUE DE - Les législatives se rapprochent et le "Cavaliere" est en selle. Encore.

En novembre 2011, il quittait le pouvoir sous les huées d'Italiens ravis de pouvoir tourner la page "Berlusconi". Mais c'était sans compter sur l'animal politique qu'il est. Sa gestion vilipendée par l'Europe, ses sauteries "bunga bunga", ses multiples procès n'y ont rien fait. L'ex-président du Conseil Silvio Berlusconi, engagé dans sa sixième campagne électorale en 18 ans, monte inexorablement dans les sondages.

>> Philippe Levillain, spécialiste de l'Italie, décrypte pour Europe1.fr cette "chevauchée fantastique" du "Cavaliere".

Où en est-il ? Alors que toutes les études donnaient une avance de 15 à 20 points de pourcentage à la gauche il y a deux mois, Silvio Berlusconi -et sa coalition de droite- a effectué une belle remontée dans les intentions de votes pour les élections législatives des 24 et 25 février. La gauche est aujourd'hui créditée de 33,1 à 33,6% selon les différents instituts de sondage, contre 28,5 à 30,5% à la coalition de droite. Rien d'insurmontable pour le "Cavaliere".

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Les multiples liftings, de celui que certains surnomment "la Momie", ses mauvaises blagues continuent de séduire l'électorat en Italie. "Le succès de Berlusconi fascine les Italiens. Berlusconi, c'est la version soft du fascisme. C'est quelqu'un dont l'autorité, la suffisance, l'orgueil, la gloutonnerie fascine la classe moyenne italienne qui n'a pas de chef depuis longtemps. Elle se range derrière cette figure extravagante, gargantuesque. Cela leur donne le sentiment qu'il y a de fortes personnalités en Italie. Face à la personnalité très riche mais un peu pâle de Monti, les couleurs de Berlusconi tiennent la route", analyse Philippe Levillain, joint par Europe1.fr.

Rubygate

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Ses procès. Dans le domaine judiciaire, Silvio Berlusconi a fait étalage de tout "son art de l'évasion" pour retarder ses procès, renchérit Philippe Levillain. La reprise du jugement pour son rôle dans le "Rubygate" a été reportée après les élections. La raison ? Les engagements de campagne de l'ancien président du Conseil, répondent les magistrats italiens sous la pression des avocats du président du Milan AC. 

>>> A lire : Rubygate : la justice pressée d’en finir

Idem pour le procès Mediaset. Les magistrats ont accepté de renvoyer les audiences initialement programmées. Le "Cavaliere" a fait valoir son "empêchement légitime" d'y participer en raison de la campagne électorale. Le tribunal a donc décidé de fixer au 1er mars le réquisitoire du parquet puis trois autres audiences pour les répliques de la défense et du parquet avant le verdict du 23 mars.

Sa campagne. Silvio Berlusconi a mené campagne tambour-battant. Le "Cavaliere" a participé à une soixantaine d'émissions en deux semaines, rappelle Le Point. Facile lorsqu'en plus d'être politique, on est aussi un magnat de la presse.

Lors de ces grands-messes télévisées, il multiplie les promesses et sur la Rai, il lance un pavé dans la mare : "si les électeurs donnent la majorité à mon parti, le Peuple de la liberté, je ferai immédiatement adopter une grande amnistie fiscale et immobilière", a-t-il annoncé solennellement. Le "Cavaliere" s'engage notamment à abroger l'impopulaire  taxe d'habitation (IMU) rétablie par le chef du gouvernement sortant, le centriste Mario Monti, et à rembourser ceux qui l'ont acquittée en 2012. Un discours qui a le don d'agacer une partie de la classe politique alors que l'Italie doit renoncer à certaines dépenses.

Le "Cavaliere" n'hésite pas non plus à "braconner" sur sa droite. Quitte à réécrire l'Histoire. "Les lois raciales représentent la pire faute d'un leader, Mussolini, qui en revanche a fait de bonnes choses dans tant d'autres domaines", a affirmé l'ex-chef de gouvernement, en marge d'une cérémonie à l'occasion de la mémoire... de l'holocauste. L'Italie "n'a pas les mêmes responsabilités que l'Allemagne", a encore assuré Silvio Berlusconi. Cette sortie n'a pas manqué de provoquer de vives réactions en Italie, qui fut l'allié de l'Allemagne nazie pendant la Seconde Guerre mondiale.

Sur le fond, son angle d'attaque est tout trouvé : la politique de rigueur de l'Europe et la Banque centrale européenne (BCE). Mais comme il  le confie lui-même au Point : "Plus l'Europe m'attaque, plus je prends des voix". Il tape dur aussi sur la gauche et son leader, Pierluigi Bersani, un ancien apparatchik du parti communiste italien.

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Sa vie privée. Silvio Berlusconi a souvent mis sa vie privée en scène lors des campagnes électorales. Alors pourquoi changer une recette qui gagne ? Invité dans le canapé du show dominical de Canale Cinque -une de ses chaînes de télévision-, le "Cavaliere", en complet bleu, a annoncé qu'il avait une fiancée : l'ex-starlette de la télévision, Francesca Pascale.

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Même son animal de compagnie devient un argument électoral. Le Cavaliere vient d'adopter Vicky, une chienne de deux mois, moitié chien-loup moitié Golden Retriever, retrouvée dans une rue de Palerme en Sicile. Riposte immédiate de Mario Monti, l'ex-président du Conseil italien : il a adopté un chien, en direct dans une émission de télévision, Empatia ("Empy pour ses amis", a précisé le Professeur), qu'il a présenté officiellement sur son compte Twitter. De cette frénésie médiatique est également née la rumeur suivante: Pierluigi Bersani serait lui aussi sur le point d'adopter un chien. Et pourtant... il préfère les chats!