Piratage de Sony : on refait le film

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ON RÉSUME - À la suite de menaces et d'un piratage d'envergure, le studio hollywoodien a annulé la sortie de son dernier film. Europe 1 fait le point.

De nombreux experts en sécurité n'hésitent pas à parler du plus grand piratage de tous les temps. Le 24 novembre dernier, des hackers ont dérobé une grande quantité de données de Sony Pictures, la filiale cinéma du géant nippon. Après de nouvelles menaces, le studio hollywoodien a décidé d'annuler la sortie de son nouveau film L'interview qui tue. Une décision sans précédent qui a créé une polémique de taille à Hollywood et qui pourrait avoir des conséquences de taille dans les futures années. Europe 1 fait le point sur ce scandale international en cinq questions.

>> Que s'est-il passé ? Le lundi 24 novembre, en arrivant à leur poste de travail, les employés américains de Sony Pictures ont trouvé une seule et même image sur leur ordinateur : un message d'avertissement avec la mention "Piraté par #GOP", qui se traduit par "Gardiens de la paix". Dès le lendemain, des milliers de données secrètes du studio hollywoodien sont publiées sur le Web.

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Les fuites vont durer plusieurs semaines jusqu'à ce que les codirecteurs Michael Lynton et Amy Pascal reconnaissent le 4 décembre "un vaste vol de données confidentielles, des données personnelles d'employés, de l'entreprise et de tiers". En vrac, les fichiers dérobés contenaient le scénario du prochain James Bond, des e-mails internes compromettants, le détail des salaires des 17 responsables les mieux payés du studio ou encore les mots de passe et dossiers médicaux des employés de Sony Pictures.

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Le 17 décembre, à quelques jours de la sortie en salle de L'Interview qui tue, de nouvelles menaces émanant du même groupe de hackers incitent Sony à annuler la sortie de son film. Une première pour le cinéma américain.

>> Qui sont les pirates derrière l'attaque ? L'attaque a été signée par un groupe jusqu'ici inconnu, les "Guardians of Peace". Dès le 24 novembre et le début de l'affaire Sony, les indices menant à une piste nord-coréenne ont afflué. Le site spécialisé Re/Code évoquait dès fin novembre la possibilité que le piratage ait été une attaque pour dénoncer le film L'Interview qui tue : dans cette comédie, les acteurs Seth Rogen et James Franco campent un présentateur et son producteur qui partent interviewer le dictateur Kim Jong-Un que la CIA leur demande d'assassiner. Un film condamné par les dirigeants du pays asiatique qui a cependant réfuté être derrière l'attaque. Tout en saluant le piratage. Les suspects seraient issus du "Bureau 121", un groupe d'experts informatiques de haute volée bénéficiant du soutien de Kim Jong-Un et de son administration. Une hypothèse appuyée par les investigations du FBI, qui affirmait vendredi soir avoir les preuves de la culpabilité de Pyongyang dans l'affaire.

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>> Comment Sony a-t-il réagi ? Dans un premier temps, le studio hollywoodien a prétexté un simple problème technique. Mais rapidement, les dirigeants de Sony Pictures ont reconnu l'ampleur de l'attaque. Devant l'impossibilité de garantir la sécurité de leurs données, les employés ont été renvoyés chez eux, avant de reprendre leur poste quelques jours plus tard. Regrettant que de nombreux sites en ligne communiquent sur les informations dérobées, Sony a appelé l'ensemble des médias à ne pas les partager. Le 11 décembre, le studio menait à son tour une série d'attaques informatiques contre ceux qui l'avaient piraté, afin d'éviter de nouvelles fuites d'informations. Des méthodes de pirates pour répondre aux pirates.

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>> Pourquoi une telle polémique à Hollywood ? Sony a justifié le retrait de son film des salles américaines par la volonté de protéger les spectateurs d'éventuelles attaques terroristes. Pourtant, l'agence de sécurité américaine a qualifié ces menaces de "pas crédibles". De quoi faire réagir de nombreuses personnalités d'Hollywood qui y ont vu une marque de faiblesse de la part du studio. Pèle-mêle, les acteurs Rob Lowe et Steve Carell ou encore les réalisateurs Judd Apatow, Michael Moore et Aaron Sorkin ont tous critiqué le choix de Sony Pictures : "autocensure", "victoire éclatante" et "jour triste pour la liberté de création", autant de mots forts utilisés par Hollywood pour qualifier l'incident.

>> Comment la polémique a-t-elle débordé sur le terrain diplomatique ? Même Barack Obama, sans pointer directement le studio du doigt, a appelé les Américains à "aller au cinéma". Plus tard, il a critiqué le studio qui a, selon lui, fait "une erreur" en annulant la sortie du film. La Corée du Nord a "provoqué beaucoup de dégâts et nous répondrons. Nous répondrons de manière proportionnée et nous répondrons à un moment, à un endroit et d'une manière que nous choisirons", a prévenu le président américain. Pyongyang, de son côté, a nié avoir quelconque lien avec le hacker.

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>> Quelles conséquences ? Ce que craint le gratin d'Hollywood, c'est que cet incident marque un point de non retour pour le cinéma américain. "Est-ce qu'ils vont retirer des écrans n'importe quel film qui reçoit une menace anonyme maintenant ?", s'est interrogé le réalisateur Judd Apatow. Au-delà de la liberté d'expression, c'est aussi un problème de sécurité que pointe cette attaque d'envergure. Les entreprises sont-elles suffisamment protégées contre d'éventuelles attaques informatiques ? Non, car "toutes les entreprises sont attaquées" au quotidien, a assuré vendredi Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois de l'Assemblée national, au micro de Jean-Pierre Elkabbach. "Tous les jours, et on ne sait pas par qui", a-t-il alerté. "La France tente de se protéger mais la menace est permanente et elle s'aggrave", même si "on progresse", a reconnu le député PS du Finistère.

Urvoas : "On ne recule pas face à la menace"par Europe1fr

>> Quid du film L'Interview qui tue ? Quant au film L'Interview qui tue, il a indéniablement bénéficié d'une médiatisation hors norme et est d'ores et déjà rentré dans l'histoire du cinéma. S'il ne paraîtra pas, dans l'immédiat du moins, dans les salles sombres, de nombreuses voix se sont levées pour sa parution via d'autres supports. Le romancier brésilien Paolo Coelho a même proposé 100.000 dollars (environ 75.000 euros) à Sony Pictures pour diffuser gratuitement le film sur son blog. Le studio n'a pas encore répondu mais les chances de voir L'Interview qui tue sur le Web dans les semaines ou les mois à venir sont grandes.

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