Ces très coûteuses écoutes judiciaires

Un audit est en cours sur un système d'écoutes qualifié de "dispendieux" par Jean-Jacques Urvoas.
Un audit est en cours sur un système d'écoutes qualifié de "dispendieux" par Jean-Jacques Urvoas. © AFP
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Salomé Legrand , modifié à
Selon les infos d’Europe 1, la PNIJ, la plateforme nationale des interceptions judiciaires, critiquée par les enquêteurs, ne sera pas imposée à tous les services au 1er janvier, comme initialement prévu.
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Les écoutes judiciaires sont devenues indispensables pour résoudre de nombreuses enquêtes. La plateforme nationale des interceptions judiciaire (PINJ), dessinée en 2005 par Rachida Dati pour centraliser toutes les interceptions judiciaires et confiée à Thalès, a vu son devis exploser en dix ans. L'investissement est passé de 17 millions d’euros à l’origine, à plus de 100 millions aujourd’hui.

Un service catastrophique. Pour un service "catastrophique", selon les enquêteurs qu’ Europe 1 a pu joindre. Si identifier les lignes et télécharger les fadettes (factures détaillées) est efficacement simplifié, le reste du logiciel, déployé région par région en 2016, n’est pas adapté à leurs besoins ni même à leur connexion internet. Ils perdent des heures à charger les fichiers à écouter... Quand ça marche. "Avec les anciens systèmes, on pouvait gérer jusqu’à 10-12 lignes simultanément, aujourd’hui on peut difficilement écouter trois lignes en même temps", assène Christophe Miette, capitaine dans la police judiciaire et membre du Syndicat des cadres de la sécurité intérieure.

La plateforme perd des appels et des SMS. Certaines enquêtes de son service spécialisé dans la lutte contre la traite des êtres humains ont même été rendues plus "périlleuses" notamment lors de filatures, à cause du décalage de 30 secondes à 1 minute observé entre l’écoute et le direct. Mais la plateforme perd aussi des appels et des SMS. Cet été deux messages ont ainsi disparu dans le cadre de l’enquête sur l’attentat de Saint-Etienne-du-Rouvray.Selon Libération, plus de 1.500 écoutes ont été interrompues près d’une semaine fin février après un immense plantage.

Les anciens prestataires privés sollicités. Certains gendarmes, déjà contraints de passer par la PNIJ, ont réduit leurs écoutes : au lieu de "brancher" plusieurs membres de l’entourage du suspect, ils ne branchent plus que le suspect lui-même, quitte à perdre des infos. "On trie au plus juste", confirme un enquêteur côté police. Beaucoup de policiers continuent donc à faire appel aux anciens prestataires privés. Aujourd’hui, la Chancellerie estime que deux tiers des écoutes ne passent pas par la PNIJ, pour une facture de 55 millions d’euros en 2015.

Vers une "réinternalisation"? L’État, qui paie donc à la fois la plateforme et les privés, a décidé de prendre le sujet à bras-le-corps. Un audit est en cours sur ce système qualifié de "dispendieux" par Jean-Jacques Urvoas. Lors de la présentation du budget de la Justice pour 2017, fin septembre, le Garde des Sceaux y a pointé une source de dépenses importante. Et n’écarte pas de "réinternaliser" le système. Sans donner plus de précisions.

Obligatoire mais progressive. En attendant, la PNIJ a été rendue obligatoire dans tous les services à partir du 1er janvier 2017 par la loi du 3 juin contre le crime organisé et le terrorisme. Cependant, selon les informations d'Europe 1, cette obligation sera progressive sur toute l’année. Elle se fera région par région, en suivant le même ordre de déploiement que celui du logiciel en 2016, histoire de laisser à tous les services d’enquête le même temps de transition.