Villefontaine : dès 2008, le directeur "craignait" de passer à l’acte

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Chloé Pilorget-Rezzouk avec AFP , modifié à
Mis en examen pour viols sur mineurs, le directeur d'école de Villefontaine, en Isère, avait confié, dès 2008, sa crainte de passer à l’acte.

C’est une confidence, voire un appel à l’aide, qui est resté sans réponse et dont les conséquences aujourd’hui font froid dans le dos. Dès 2008, le directeur de l’école primaire de Villefontaine, en Isère, mis en examen pour viols sur mineurs, avait confié à un gendarme qui l'interrogeait sa crainte de passer à l'acte, a-t-on appris de source proche du dossier, confirmant une information de Lyon Capitale et du Parisien

Six mois de prison avec sursis et obligation de soin. Entendu en avril 2008 dans une affaire de téléchargement d'images pédopornographiques, Romain F. avait déclaré à un gendarme : "Je n'ai jamais eu de relations avec des mineurs", ajoutant "je ne peux pas le concevoir mais je peux le craindre". Pour ces faits, le tribunal correctionnel isérois de Bourgoin-Jallieu avait condamné l'enseignant, en juin 2008, à six mois de prison avec sursis assortis d’une obligation de soin pendant deux ans. D’après Le Parisien, cette injonction d'être suivi par un psychiatre une fois par mois "n’a pas servi à grand-chose", d'après les dires du suspect. Romain F. a d'ailleurs cessé de consulter dès la fin de son obligation de soin et semble n'avoir jamais évoqué, dans ce cadre, sa peur de passer à l'acte.

Un "appel à l’aide" resté sans réponse. "Il avait eu le courage de tirer la sonnette d'alarme mais on ne l'a pas entendu. C'est un appel à l'aide : il sait qu'il est malade et il le dit", a regretté Me Patrice Reviron, avocat de parents d'élèves de Villefontaine. Une situation d'autant plus gênante lorsque l'on sait que la condamnation de l’enseignant n'a pas été assortie d'une interdiction d'entrer en contact avec des enfants et n'a pas été signalée à son administration, alors même qu'elle figurait à son casier judiciaire.

Une justice débordée. "Il y a eu un raté", souligne Me Patrice Reviron. "Mais on a une justice qui n'a pas les moyens de travailler correctement : le juge avait sans doute quinze ou vingt dossiers à l'audience et n'a peut-être pas lu ses déclarations", a ajouté l'avocat. "Il faut réfléchir pour qu'il n'y ait plus ce genre de problèmes par la suite." Les parents de victimes demandent ainsi à être associés à l'enquête administrative menée conjointement par les inspections des ministères de l'Education nationale et de la Justice. 

Inciter les enseignants pédophiles à se manifester. En outre, l’avocat de parents d’élèves estime qu'il faut "encourager" les enseignants pédophiles à parler à leurs supérieurs "pour qu'ils soient pris en charge, surveillés et suivis". Dans cette optique, la perspective d'être révoqué de l'Education nationale, sanction prononcée notamment à l'encontre du directeur de Villefontaine, peut au contraire les inciter à se taire, selon l'avocat. 

"Je crains que l'on n'ait pas fini d'en apprendre". Ce qui est choquant, c'est que l'on puisse apprendre que quelques indicateurs étaient déjà dans les tableaux de bords d'un magistrat. Un magistrat attentif aurait du tirer les conséquences et je pense tout particulièrement à une peine complémentaire d'interdiction d'exercer des fonctions (en rapport avec des mineurs)", s'offusque au micro d'Europe 1 l'avocat des familles de victimes, Me Levent Saban. "Voilà ce qu'on aurait souhaité, voilà ce qu'il y aurait du y avoir à l'époque, en 2008", a-t-il poursuivi. 

"Je crains que l'on n'ait pas fini d'en apprendre, malheureusement. Chacune des révélations prise isolément est déjà assez effarante. Mais le cumul de ces révélations interpelle sur l'état de notre justice et sur ce qu'elle est capable de produire comme dysfonctionnement et comme dégât humain", craint l'avocat qui demande, "pourquoi ce directeur d'école a été muté trois fois en trois années, ce qui est énorme".

"L’atelier du goût". L’ancien directeur d'école, mis en examen et écroué pour viols aggravés et agressions sexuelles,  a reconnu les faits sur neuf enfants, lors de sa garde à vue les 24 et 25 mars dernier. Il est soupçonné d'avoir imposé "par surprise" des fellations à plusieurs de ses élèves de CP dans le cadre de ce qu'il appelait "un atelier du goût". Durant cet "atelier", les enfants, avec les yeux bandés, devaient identifier des "choses" que l'enseignant leur faisait goûter.

Cet homme de 45 ans a été mis en examen pour des faits concernant onze élèves, selon l'avocat. Mais d'autres enfants doivent encore être auditionnés après de nouveaux signalements, selon le parquet de Grenoble, qui ne souhaite pas communiquer de chiffre définitif.

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