Une soirée de l'Edhec tourne au bizutage

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avec AFP
Un étudiant a été grièvement blessé après la soirée d'intégration d'une association de cette école de commerce. Une enquête est ouverte.

L'info. Beaucoup d'alcool, des humiliations et un étudiant grièvement blessé, voilà le bilan de la soirée d'intégration de l'association Course-Croisière de l'Edhec fin octobre. Le parquet de Lille a ouvert une information judiciaire contre X pour comprendre comment un jeune homme, étudiant de première année dans cette école de commerce prestigieuse, a pu être ainsi bizuté alors que la loi l'interdit formellement.

Une soirée qui dérape. Dans la nuit du 17 au 18 octobre dernier, une dizaine d'étudiants de première année à l'Edhec participent à une soirée d'intégration, organisée par l'association Course-croisière Edhec, qui coordonne chaque année une course de voile renommée. Mais les activités prévues tournent au bizutage en règle : des élèves de deuxième année scotchent aux poignets des nouveaux des bouteilles en plastique contenant de l'alcool pour les forcer à boire, puis les font s'agenouiller en cercle, le torse nu et le pantalon baissé.

Une chute inexpliquée. En état d'ivresse avancé, et incapable de suivre les autres participants en discothèque où se poursuivait la soirée, un des étudiants reste sur place et s'endort sous la surveillance d'un autre élève. Il est finalement retrouvé, aux alentours de 4h30 du matin, gisant dans la cour de la maison où se déroulait la soirée. La victime a fait une chute de plusieurs mètres, après être vraisemblablement tombé d'une fenêtre. Il souffre d'un trauma crânien et de multiples fractures, a détaillé le parquet de Lille.

Une plainte déposée. Après avoir subi trois opérations, l'étudiant devait être transporté dans la journée au domicile de son père, dans les Landes, où il compte déposer plainte, selon Marie-France Henry, présidente du Comité national contre le bizutage (CNCB). "Compte tenu de la gravité des faits, la ministre a pris la décision de retirer son parrainage à l'édition 2014 de la Course-Croisière de l'Edhec", a pour sa part réagi le ministère de l'Enseignement supérieur.

Des sanctions en vue contre l'association. A l'Edhec, l'incident ne passe pas non plus. Alexandre Sauvage, le président de l'association Course-croisière Edhec a lui-même reconnu que "des actes dégradants ont été commis pendant la soirée, des faits de bizutage. Je les condamne fortement et si j'avais été présent, j'y aurais mis fin. Ces pratiques qui ont eu lieu ne sont pas du tout les valeurs de notre association, la plus grande d'Europe et on va mettre en place des sanctions", a-t-il affirmé. Evoquant un "accident", la direction de l'école a indiqué avoir "suspendu jusqu'à nouvel ordre" les aides et soutiens à toutes les associations de l'école. Elle leur a également un rapport sur leurs "pratiques de recrutement", qui est en cours d'analyse.

Que dit la loi ? La loi du 18 juin 1998, portée par Ségolène Royal, alors ministre de l'Enseignement, crée un délit spécifique de bizutage. "Hors les cas de violences, de menaces ou d'atteintes sexuelles, le fait pour une personne d'amener autrui, contre son gré ou non, à subir ou à commettre des actes humiliants ou dégradants lors de manifestations ou de réunions liées aux milieux scolaire et socio-éducatif est puni de 6 mois d'emprisonnement et de 7500 euros d'amende", dispose ainsi désormais le Code pénal.

Une circulaire de l'Education nationale de 1999 précise que "dorénavant, tombe sous le coup de la loi pénale, tout acte portant atteinte à la dignité de la personne". " Le législateur n'exige pas, pour que l'infraction soit réalisée, que la victime ait été contrainte à commettre ou subir des actes de bizutage. Les faits, même s'ils sont consentis réellement ou en apparence, dès lors qu'ils revêtent un caractère humiliant ou dégradant, sont répréhensibles", poursuit le texte.