Un chirurgien condamné avec sursis après la mort d'un ado

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Chloé Pilorget-Rezzouk avec AFP , modifié à
Le praticien a été jugé coupable d'homicide involontaire suite au décès d'un jeune patient, en 2008, à l'hôpital de Strasbourg, dans le Bas-Rhin. Mais il pourra continuer à exercer.

C'est une série de manquements professionnels qui ont coûté la vie au jeune Maxime, en 2008, à l'hôpital de Strasbourg-Hautepierre, dans le Bas-Rhin. Cet adolescent de 15 ans, jeune espoir cycliste dans la région, est décédé après avoir été accepté au CHU suite à une grosse chute de VTT. Jeudi, le chirurgien chargé de son hospitalisation, Raphaël Moog, a été jugé coupable d'homicide involontaire pour avoir privé "de toute chance de survie" cet adolescent. Condamné à un an de prison avec sursis par le tribunal correctionnel de Strasbourg, le praticien pourra toutefois continuer à exercer. Au grand dam de la famille de la victime. 

Un jeune champion de VTT. Les faits remontent au dimanche 21 septembre 2008. Après une mauvaise chute de VTT, Maxime Walter, est hospitalisé dans le service du Dr Moog. Agé de 15 ans, cet espoir régional de cyclo-cross souffre d'une importante hémorragie interne. Il est abondamment transfusé, mais son état empire d'heure en heure. Le Dr Moog lui enlève finalement la rate, près de 24 heures après l'accident. Mais après deux jours d'agonie, le jeune sportif décède.

Un décès dû à des manquements. Cette mort "dans de douloureuses souffrances" n'était "pas la conséquence de l'évolution prévisible de la pathologie initiale", mais a "été causé de façon certaine par les manquements constatés" de la part du praticien, a estimé le tribunal correctionnel, jeudi. "En ne se déplaçant pas" rapidement au chevet du patient alors qu'il était d'astreinte, puis en "persistant" dans un choix qui n'était pas le bon - celui de ne pas opérer le patient pour lui enlever la rate - le Dr Raphaël Moog a commis une "faute caractérisée", ont tranché les magistrats.

Pour autant, ils ont observé que ce spécialiste de chirurgie pédiatrique viscérale, qui "réalise plus de 600 opérations par an", ne s'était vu reprocher "aucun autre accident grave" depuis les faits et l'ont, en conséquence, exempté de toute interdiction d'exercer.

Le chirurgien "assommé", mais soulagé de pouvoir encore exercer. A l'issue de son jugement, le prévenu a fait part de son "soulagement" en sachant qu'il pourrait continuer à exercer. "Je ne pense pas avoir été ni imprudent, ni négligent, j'ai agi en fonction des éléments qu'on me donnait", a déclaré Raphaël Moog, qui, "un peu assommé", ne sait pas encore s'il fera appel. Au dernier jour de son procès, il avait fini par exprimer des regrets, se disant "désolé ne pas avoir pu sauver Maxime". 

Une décision de justice "scandaleuse" pour les parents. Mais pour les parents, cette absence d'interdiction d'exercer est "un scandale", a tempêté le père de la victime, Thierry Walter, qui s'est battu pendant des années pour que ce procès ait lieu. "Nous ne demandions pas qu'il aille en prison, ce qui était important c'était l'interdiction d'exercer", a-t-il souligné tandis que son épouse Caroline déplorait : "Douze mois avec sursis, c'est rien! Il va mettre ça dans sa poche et continuera à vivre normalement."

L'un des avocats de la famille, Me Jean-Christophe Coubris, s'est, quant à lui, dit "extrêmement déçu". "Bien sûr qu'il est considéré comme coupable, mais la sanction n'est pas du tout à la hauteur de la gravité de ses fautes", a-t-il estimé. Désormais, l'avocat porte espoir en une éventuelle procédure disciplinaire qui pourrait être déclenchée contre le chirurgien par l'Ordre des médecins. 

Un jugement loin des réquisitions du parquet. D'autre part, la partie civile n'ayant pas la possibilité de faire appel, il appartient dorénavant au parquet de décider de le faire ou non. En tout cas, la décision judiciaire prononcée jeudi est beaucoup plus légère que celle souhaitée par le parquet lors du procès, le 1er avril dernier.

La représentante du ministère public, Morgane Robitaillie, avait en effet requis 18 mois de prison avec sursis et deux ans d'interdiction d'exercer. Elle avait observé que, dans les procès contre des chauffards ayant provoqué un accident mortel de la route, "même deux ou trois ans après, on ne se pose pas la question, on suspend le permis de conduire".

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