Soupçon d'esclavage moderne dans une ferme

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C.B avec AFP , modifié à
Trois membres d'une famille ont été écroués pour avoir exploité et martyrisé huit personnes.

"Ce sont les Thénardier des temps modernes". Trois membres d'une famille ont été écroués récemment pour avoir instauré un système d'esclavagisme au sein de leur corps de ferme de Saint-Josse, dans le Pas-de-Calais. Ils sont poursuivis pour "traite d'être humain", "séquestration", "violences volontaires" et "travail dissimulé". Le père de famille, équipé d'un bracelet électronique pour une peine antérieure, est également mis en examen pour viol et agression sexuelle.

Avec sa compagne et sa maîtresse, ce dernier est soupçonné d'avoir exploité et martyrisé, pendant plus de deux ans, huit personnes présentant des troubles psychologiques. Des victimes contraintes de travailler sur les chantiers de la ferme, sans être payées.

Des vols interpellent les enquêteurs. Ce sont, d'abord, la rénovation du corps de ferme, puis des vols sur des chantiers et enfin des constructions sans permis qui ont poussé les gendarmes à s'intéresser, de façon discrète, à cette famille, composée du père, de son épouse, de sa maîtresse et de dix enfants reconnus, âgés aujourd'hui de 3 à 19 ans. Pour assurer la réalisation des chantiers de rénovation, le père a en effet recruté ses personnes vulnérables, qu'il nourrissait et hébergeait dans de vieilles caravanes délabrées, installées sur sa propriété. La nuit, les enfermait pour éviter qu'elles s'échappent.

"C'est Noël avant l'heure !" Quand les enquêteurs ont eu la certitude des pratiques illégales du père de famille,  ils l'ont interpellé et remis en liberté les individus séquestrés. Au moment de recouvrer la liberté, l'un d'entre eux a d'ailleurs déclaré : "merci monsieur, c'est Noël avant l'heure".L'homme, âgé d'une cinquantaine d'années, avait perdu l'usage d'un œil, après avoir été battu par le principal suspect, pour avoir tenté de fuir en 2012. Le chef de clan est "impulsif et violent, ne reconnaissant que ses idées comme la seule loi", a d'ailleurs souligné le directeur d'enquête, l'adjudant de gendarmerie Yann Allain, de la brigade de recherche de Montreuil-sur-Mer.

Un récidiviste condamné à plusieurs reprises. Issu d'une fratrie de 23 enfants, le principal suspect avait fait l'objet d'une dizaine de condamnations dans le département du Nord, dont l'une de trois mois de prison ferme pour escroquerie. Il purgeait d'ailleurs sa peine avec un bracelet électronique, pendant qu'il obligeait ses employés, dont un seul était déclaré, à travailler de 7h00 à 21h00, en exerçant sur eux "une forte pression morale et physique, brisant des objets sur le dos de ses victimes", selon un enquêteur.

Le RSA des victimes reversé à la famille. Le père de famille, qui se faisait passer pour un patron paternaliste, avait même été jusqu'à confisquer les téléphones et les papiers d'identité de ses victimes. Ces documents lui permettaient surtout de toucher les revenus de solidarité active (RSA), de ceux qu'il appelait "ses cousins". Les enquêteurs ont saisi une moto de marque réputée, une grosse berline allemande, plus de 10.000 euros en espèces et pour plus de 23.000 euros de bijoux, dont une montre estimée 9.000 euros.

Les femmes abusées sexuellement. Les gendarmes ont aussi découvert que le père abusait sexuellement de plusieurs femmes recrutées pour les taches ménagères à son domicile. Des actes commis avec violences, ont raconté les victimes, qui ont toutes été prises en charge par les services sociaux, a indiqué le procureur de la République de Boulogne-sur-Mer, Jean-Philippe Joubert. Les enfants du couple ont été quant eux placés, a précisé le magistrat.