Les magistrats en plein "burn-out"

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avec Guillaume Biet et AFP
L'Union syndicale des magistrats (USM) veut briser le "tabou" de la souffrance des magistrats dans un livre blanc qui doit être remis jeudi à plusieurs instances.

Surcharge de travail, management inadapté, harcèlement moral… L'Union syndicale des magistrats (USM) veut briser le "tabou" de la souffrance des magistrats dans un livre blanc où certains d'entre eux témoignent anonymement de leurs conditions de travail. Ce "cri d'alarme" des magistrats doit être remis jeudi à la Chancellerie, au Conseil supérieur de la magistrature, aux présidents du Sénat et de l'Assemblée nationale et aux conseillers justice de l'Elysée et de Matignon.

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Une première. La consultation des magistrats a débuté en septembre dernier. A cette époque, l’USM a alors recueilli une centaine de témoignages de professionnels. Une première affirme le syndicat de magistrats. "Aucune enquête généralisée et d'envergure n'a jamais été faite auprès des magistrats sur leurs conditions de travail", insiste l’USM.

Des magistrats "au bord du gouffre". Et ce qui ressort de ces vingt pages, c’est la détresse des juges, ces parquetiers dont certains se disent clairement "au bord du gouffre". Avec leurs mots, les juges racontent le stress, le surmenage, les humiliations subies en réunion par certaines magistrates qui ont simplement le tort d'annoncer leur grossesse. Ou encore, celles qui ont un enfant gravement malade, mais que l'on nomme sur des postes loin de chez elles, avec d'énormes amplitudes horaires.

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"Des collègues expriment leur désir d’en finir". Cette surcharge de travail, massivement pointée du doigt par les magistrats, entraîne des arrêts maladie, des burn-out et parfois même des suicides. "Il nous est arrivé avec plusieurs confrères de rester tard le soir au travail pour soutenir des collègues qui avaient exprimé leur désir d’en finir, parce qu’ils ne voyaient pas le bout, ils ne voyaient pas comment se sortir de cette situation. A cause de cette surcharge de travail, à cause du manque de considération, à cause d’un poids hiérarchique énorme, à cause d’une pression toujours plus grande et un sentiment de malaise généralisé au sein des juridictions", confie Simon, substitut du procureur, interrogé par Europe 1.

"Tout le temps dans l'urgence". Le sentiment d’écœurement des magistrats pour ce métier, qu'ils avaient pourtant choisi par passion, revient également souvent dans leurs témoignages. "J'ai l'impression de travailler tout le temps dans l'urgence, sans pouvoir souffler, d'être submergé, sans aucune perspective d'amélioration. Je pense être un magistrat consciencieux et travailleur mais les conditions dans lesquelles j'exerce mes fonctions sont en train de me dégoûter de cette fonction pourtant passionnante", témoigne, sous couvert d’anonymat, un juge d'instruction.

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Un manque de moyens. Au-delà de ces récits, le livre blanc de l'USM analyse les causes de cette détresse, principalement liée, selon le syndicat, à un manque de moyens. Actuellement, il manque en effet 500 magistrats en France, c’est-à-dire que 500 postes ne sont pas pourvus, ce qui explique en bonne partie la surcharge de travail. La question des recrutements est donc prioritaire. "Il faut arrêter de faire comme si tout allait bien", estime Virginie Duval, la présidente de l'USM.

Des mesures pas appliquées. Quant à la souffrance, il existe un plan de prévention des risques psychosociaux, qui date de 2013. Mais, d'après le syndicat, les mesures de ce plan ne sont toujours pas appliquées dans les tribunaux. "En 2011, un groupe de travail sur la souffrance au travail avait été monté après une vague de suicides dans l'année. Un plan de prévention des risques psychosociaux a été diffusé en 2013 mais aucune suite n'a été réellement donnée", résume la présidente de l'USM, qui demande aujourd’hui à la Chancellerie "une gestion des ressources humaines respectueuse des individus et de leur qualité de travail".