Comment recueillir la parole d'un enfant ?

Pour libérer la parole d'un enfant, il faut le mettre en confiance et proscrire les questions fermées qui permettent des réponses par "oui" ou "non".
Pour libérer la parole d'un enfant, il faut le mettre en confiance et proscrire les questions fermées qui permettent des réponses par "oui" ou "non". © MaxPPP
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Frédéric Frangeul et Pierre de Cossette , modifié à
Le témoignage de la fillette miraculée de la tuerie de Chevaline, pourrait être la clé de l'enquête.

Son témoignage pourrait être crucial. La fillette de 4 ans, qui est restée prostrée huit heures mercredi soir après la tuerie de Chevaline, va être écoutée par les enquêteurs vendredi. Un exercice particulièrement délicat, dont Europe1.fr vous révèle les détails.

Mettre l’enfant à l’aise

Pour une meilleure mise en confiance, les enquêteurs peuvent laisser à l'enfant le choix de la personne avec laquelle il souhaite s'entretenir. Il est primordial que l'enfant se sente à l'aise. L’entretien peut alors commencer avec une phase d'approche, avec des questions simples sur son âge ou son prénom par exemple.

Vient ensuite le moment où il faut aborder les "vrais" sujets. "La meilleure question pour commencer pourrait être : ‘est-ce que tu sais pourquoi tu es là aujourd'hui, est-ce que tu veux m'en parler’ ", explique la gendarme Delphine Josse, habituée à ce genre de confrontation. "Je pense qu'elle le saura pourquoi elle est là", ajoute-elle au micro d'Europe 1.

Il faut expliquer à l’enfant "qu'on est là pour l'aider", poursuit Delphine Josse. "Il faut lui dire qu'elle doit nous raconter pour nous permettre de trouver les personnes qui ont fait ça", précise-t-elle.

Eviter les questions fermées

L'enfant doit être amené à raconter ce qu'elle a vécu. Pour ce faire, il faut proscrire les questions fermées qui permettent des réponses par "oui" ou "non". De plus, face à ce type de questions, l'enfant pourrait être tentée de répondre "oui" pour faire plaisir. Enfin, en cas de blocage, les enquêteurs peuvent avoir à recours à d'autres moyens pour favoriser la libération de la parole en utilisant le dessin ou le mime avec des figurines par exemple.

Mais, le plus dur, c'est de retenir l'attention d'un enfant. Une série de questions ne doit pas durer plus de dix minutes. Pour optimiser la qualité de ce bref entretien, les moindres détails sont donc soignés avec une petite pièce chaleureuse, agrémentée de meubles en bois et de quelques jouets.

La présence d’un interprète pourrait gêner

Dans le cadre de l’affaire Chevaline, le face à face entre l'enquêteur et l'enfant se fera en présence d'une interprète, en raison de la nationalité britannique de la fillette. Cette interprète a été, selon les informations d'Europe 1, envoyée spécialement par l'ambassade de Grande-Bretagne.

Reste que la présence d'une tierce personne pourrait compliquer la donne. "L'interprète va être un parasite. Ça risque d'être très compliqué", estime la gendarme Delphine Josse.

Jusqu'à présent, la fillette a évoqué l'affaire "sans beaucoup plus de détails, si ce n'est des cris, cette peur, cette volonté de se dissimuler", a raconté jeudi Eric Maillaud, le procureur d'Annecy. "Il faut prendre avec une extrême prudence les déclarations d'une fillette traumatisée", a-t-il ajouté.

Recueillir la parole de l’aînée serait plus aisé

Après la fillette de quatre ans, les enquêteurs pourrait songer à entendre sa sœur aînée âgée de 7 ans. Violemment frappée à la tête, celle-ci a été placée dans un coma artificiel et est toujours hospitalisée mais son état semble évoluer de manière positive.

Si elle devait être écoutée par la police, la tâche devrait s'avérer plus simple pour les enquêteurs, en raison de son âge.  "C'est un âge où les enfants vont à l'école et savent parler", souligne Jean-Marc Bloch, ancien patron de la PJ de Versailles. Il nuance toutefois : "Il faut trouver les bonnes personnes, capables d'écouter le récit d'un enfant".