3:42
  • Copié

Chaque matin, Vincent Hervouët nous livre son regard sur l'actualité internationale. Ce lundi, il revient sur l'intervention du président ukrainien dimanche devant la Knesset, l'assemblée parlementaire ukrainienne.

Le président ukrainien dimanche devant la Knesset.

Nul n’est prophète en son pays. Volodymyr Zelensky a été applaudi debout par des députés britanniques, américains, européens, allemands mais il a suscité plus de réserves dimanche à Tel Aviv. Le seul président juif au monde, en dehors de celui d’Israël, est ovationné partout comme un héros mais il échoue à convaincre la Knesset de lui livrer des armes ou d’appliquer des sanctions contre la Russie. C’est que les dirigeants israéliens avancent sur des œufs. 20% des électeurs sont d’origine russe. Il reste une forte communauté juive en Ukraine. Le conflit ne laisse donc personne indifférent. Mais ce qui importe vraiment, c’est l’autre guerre. La guerre de quarante ans, obscure, permanente, vitale : la guerre avec l’Iran.

Et dans cette partie-là, il faut ménager la Russie.

Avant d’aller bombarder les milices pro-iraniennes en Syrie, Israël prévient Moscou qui regarde ailleurs et n’active pas ses missiles sol-air. Et Moscou peut bloquer la normalisation avec l’Iran que souhaite Joe Biden. Il est prêt à remettre sur les rails l’accord sur le nucléaire iranien. Pour Israël, c’est un marché de dupes. Il faut l’empêcher. Le Premier ministre Bennett en a parlé à Vladimir Poutine qu’il est allé voir au Kremlin. Officiellement, c’était pour tenter une médiation dans le conflit ukrainien. Elle n’a rien donné, on n’en parle plus. En revanche, Moscou exige désormais des garanties avant de cosigner l’accord sur le nucléaire iranien. Naftali Bennett n’a pas sacrifié son shabbat en vain. La morale de ces chassés-croisés, c’est que les Etats n’ont pas d’amis, même quand ils sont des nôtres, qu’ils portent un t-shirt kaki et plaident avec l’éloquence d’un héros. Les États ont des intérêts. Leur morale, c’est de les défendre et pour cela, ils sont prêts à s’allier avec le Diable.

De même, les Émirats arabes unis qui ont accueilli ce week-end Bachar El-Assad…

Lui, c’était le diable de la dernière décennie. Depuis dix ans, il est sorti de son enfer pour aller à Moscou et à Téhéran, ses deux alliés. Le voyage à Abu Dhabi, c’est le premier dans le monde arabe depuis 2011… Autant dire qu’il a savouré le tapis rouge que lui ont déroulé le prince MBZ d’Abou Dhabi et le Prince MBR de Dubaï. Il a dû apprécier leurs arabesques sucrées qui vantaient les relations fraternelles et la Syrie, pilier de la sécurité arabe… Quand ils disent la sécurité arabe, il faut entendre : "écraser les Frères musulmans". Ils n’ont pas dit un mot des centaines de milliers de morts en Syrie, des millions de réfugiés, des crimes de guerre. Tout est oublié, embrassons-nous folleville ! Vladimir Poutine que l’occident considère comme un criminel de guerre doit apprécier cette réhabilitation de Bachar El-Assad. Il voit que le plus dur sera de durer. Avec le temps, l’amnésie vaut amnistie.

Les Émirats Arabes unis sont pourtant l’allié de la France…

La France a fourni le Louvre et la Sorbonne, installé une base militaire face à l’Iran, vendu des avions de chasse, des blindés, des canons et aussi le tramway, le métro, les Airbus, on compte 600 filiales de boites françaises… On leur a tout refilé et même une place dans la Francophonie… les Émirats, c’est notre meilleur client au Moyen-Orient. Cela ne veut pas dire que nous soyons leur principal allié. Depuis des années, ils mènent une sale guerre au Yémen et nous détournons pudiquement les yeux. Autrement dit, nos ennemis ne sont pas ceux de nos amis. Leurs amis ne sont pas les nôtres. Et l’horreur que suscitent les crimes de guerre reste très relative.