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Chaque matin, Vincent Hervouet nous livre son regard sur l'actualité internationale. Ce vendredi, il s'intéresse au cas de l'Argentine qui doit rembourser près de deux milliards de dollars au FMI. Le pays est pris à la gorge et des milliers de personnes ont envahie les rues pour protester.

Suspens à Buenos Aires. L’Argentine doit rembourser d’ici demain 2 milliards de dollars au FMI.

Les Argentins ont l’impression de s’ouvrir les veines. Ils paient la première traite du prêt accordé par le FMI en 2018, un prêt de 44 milliards de dollars, le plus important jamais consenti par l’institution financière. Depuis, la crise a rebondi, le covid l’a aggravée, les péronistes sont revenus au pouvoir… Ils rechignent à payer. Ils peinent à y arriver. Ils négocient depuis des mois. Finalement, ils devraient être ce soir au rendez-vous. Mais c’est la première traite d’une série de trois. La plus légère. L’an prochain, l’addition sera dix fois plus lourde. Et l’année d’après, encore un petit peu plus.

Personne ne voit comment le pays pourrait éponger cette dette.

Personne ne sait non plus comment imposer l’austérité à des Argentins de plus en plus pauvres. Il y a de quoi expliquer que les psy en ville, et Dieu sait s’il y a des psy-psychologues-psychiatres-et- psychanalystes à Buenos Aires, bref tous les réducteurs de têtes le confirment : l’angoisse taraude chacun. C’est normal : le traumatisme, c’est la répétition. Et le Ciel est déjà tombé sur la tête des Argentins.

C’est la crise de 2001. Il y a vingt ans pile, le pays s’est effondré.

Tous les Argentins savent ce qu’ils faisaient le 19 décembre 2001. Le reste du monde a les yeux rivés sur la chute des Talibans. Mais à Buenos Aires, l’Etat tente de sauver les banques de la faillite en gelant tous les comptes. Interdiction de tirer plus de 250 pesos par semaine. C’est condamner tout un peuple à la faim, à la rue, à la rage parce que les dépots en dollars seront remboursés un jour en peso, c’est-à-dire que les économies de chacun partent en fumée. Les pillages commencent et quand le pouvoir décrête l’état de siège, c’est comme s’il vidait un jerrican sur un brasero… La foule envahit la plaza de Mayo, la police tire dans le tas, il y a 40 morts, le Président s’enfuit de son palais en hélico. Le tango s’accélère, trois présidents en deux semaines, et le plus grand défaut de paiement de l’histoire, 100 milliards de dollars… Il n’y a plus d’argent en Argentine !

Est-ce que c’est en train de recommencer ?

Le covid a relancé la spirale du cauchemard. Une récession de 10%. Comme en 2001. Ajoutez 50% d’inflation annuelle et l’absence de devises qui provoque des dévaluations en cascade. La planche à billets tourne 24H sur 24 et l’imprimerie nationale n’y suffit pas, elle sous-traite au Brésil et en Espagne. Le peso vaut trois fois rien et plus personne ne lui fait confiance. A la place, les commerçant rendent la monnaie en bonbons.

Il y a un siècle, l’Argentine était l’un des pays les plus riches du monde. Son pib était celui de l’Allemagne. Aujourd’hui, 40% de la population vit au-dessous du seuil de pauvreté. Il ne faut pas chercher à cette décadence les raisons habituelles, il n’y a pas de catastrophe écologique, de guerres ethniques, de natalité galopante, de retard technologique, de djihadistes ou d’autres furieux en guerre contre la société…

Il y a juste la malédiction d’une économie coupée du monde et d’une classe politique qui se paie de mots.

Les Péronistes viennent de prendre une raclée aux élections partielles. La droite s’imagine revenir au pouvoir, par effet de balancier. Sauf que le dégagisme pourrait bien propulser le candidat anti-système, un ultra libéral qui veut renverser la table.

Dans tous les cas de figure, les Argentins n’ont pas fini de payer !