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Chaque matin, Vincent Hervouët nous livre son regard sur l'actualité internationale. Ce vendredi, il revient sur la solitude de l'ambassadeur de Russie aux Nations Unies, Vassily Nebenzia.

La solitude de la Russie traitée en paria dans les instances internationales

Il y a dans la tragédie ukrainienne, une victime collatérale. Un minuscule drame humain. Jusqu’au 24 février, l’ambassadeur de Russie aux Nations Unies était un professionnel apprécié de tous. C’est désormais un paria. Vassily Nebenzia connaît par cœur les organisations internationales dont il exploite intelligemment les arcanes, il parle couramment plusieurs langues, surtout la langue de bois. C’est l’école soviétique, on n’attend de lui aucune fantaisie, le fonctionnaire applique les instructions venues du Kremlin. L’homme n’est rien, le système est tout. Depuis trois semaines, l’ambassadeur Nebenzia lit donc des discours qui justifient l’opération spéciale. Ses collègues le regardent se noyer et lui font la leçon. Lui mesure chaque jour davantage la solitude de la Russie. Au Conseil de sécurité, son droit de véto suffit à bloquer les résolutions condamnant l’agression que mène son pays mais il n’a pas pu empêcher l’Assemblée générale de voter à une écrasante majorité une motion dénonçant la guerre. 143 voix pour, 5 contre, les autres s’abstenant. Un vote sans précédent. Hier, il a vécu plus humiliant encore. Il a dû renoncer à déposer une résolution sur l’Ukraine qui condamnait l’utilisation de civils comme boucliers humains. Il n’a trouvé aucun allié pour s’y associer, l’Inde ou la Chine se sont défilés. En revanche, il a pris une volée de bois vert des autres membres du Conseil de sécurité dénonçant son cynisme, l’hypocrisie de la Russie qui prétend se soucier du sort des civils alors qu’elle les bombarde comme à Marioupol. La mort dans l’âme, Vassily Nebenzia a remballé son texte.

Est-ce que cela signifie que la Russie est totalement isolée ?

Moscou a perdu la bataille de la propagande. Volodymyr Zelensky est une star mondiale que les parlementaires acclament debout. Après la Chambre des Communes, le Bundestag, le Parlement européen, le Congrès américain, il doit encore s’adresser à la Knesset et il lui restera, le clou de cette tournée universelle, un discours à l’Assemblée générale de l’ONU. En face, Vladimir Poutine est pestiféré.

Le soutien de la Chine est vital…

Avant de passer à l’offensive, Vladimir Poutine s’est rendu à Pékin au prétexte des JO. Il a sans doute dévoilé à Xi Jinping les grandes lignes de son projet en lui promettant d’attendre la fin des jeux. Les deux hommes ont célébré "l’amitié entre les deux pays qui est sans limite et qui ne connait aucune zone où la coopération soit interdite…". Tout l’effort des Américains depuis trois semaines est justement d’imposer des limites à cette amitié mutuellement profitable entre pays frères. Le conseiller à la sécurité Jack Sullivan a rencontré son homologue chinois la semaine dernière pour discuter de l’impact de la guerre sur la sécurité régionale et mondiale. Autrement dit, pour le convaincre de se tenir à distance, de ne pas lancer de bouée de sauvetage aux Russes. Washington a échoué et prend le monde à témoin. Tout à l’heure, Joe Biden va mettre en garde Xi Jinping avec lequel il a rendez vous. L’Amérique promet des représailles si Pékin livre du matériel militaire ou aide la Russie à contourner les sanctions. C’est un casse-tête pour les Chinois. C’est vrai que les États-Unis et l’Union européenne sont leurs principaux clients et que le commerce va en pâtir. Mais l’occasion est trop belle de soumettre la Russie, lui imposer une dépendance financière, commerciale, militaire et technologique. L’ambassadeur Vassily Nebenzia n’a plus d’amis mais il a désormais deux maitres.