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SAISON 2017 - 2018

Tous les samedis dans l'émission Mediapolis, Claire Hazan revient sur l'actualité et la politique par le prisme des réseaux sociaux.

Claire, vous scrutez pour nous les réseaux sociaux et les évolutions de la société à l’heure du numérique. Et pour cette émission internationale, vous avez choisi de nous emmener en Chine…

Oui, en Chine, en 2020… Imaginez…  Vous vous posez des questions sur votre voisin ou votre collègue : est-il quelqu’un de fiable ? Pour le savoir, vous consultez alors… sa note de confiance. Une note officielle et publique attribuée par le gouvernement à tous les citoyens, selon des critères qu’il a définis.

Par exemple :

Vous achetez des produits fabriqués en Chine ? Alors vous boostez l’économie du pays, donc vous gagnez des points.

Vous avez passé trop de temps à jouer aux jeux vidéo? Vous êtes surement quelqu’un d’oisif, pas bon pour votre score.

Vous – ou vos amis- avez critiqué le gouvernement sur les réseaux sociaux ? Ça dégringole plus encore.

 

Les « bons » citoyens eux sont récompensés. Mais avec un mauvais score, impossible d’accéder à certains types de postes, d’avoir une place en crèche ou un visa pour sortir du pays…. Très compliqué aussi d’obtenir un rendez-vous galant sur un site de rencontre. Une mauvaise note, c’est rédhibitoire.

 

On dirait un parfait scénario de science-fiction tout ça…

 

Sauf que pas du tout. En Chine, ce système de « crédit social » est prévu pour mise en place… dans 2 ans. Et il sera obligatoire.

Mais en réalité, il existe déjà. Chez plusieurs géants de l’internet chinois. Par exemple chez Alibaba, le plus gros site d’e-commerce chinois (concurrent d’Amazon).... Le programme d’Alibaba est pour l’instant basé sur le volontariat. Il traque les données de ses clients et leur attribue une note de fiabilité en fonction de la nature de leurs achats et de leur comportement en ligne. Pourquoi ça marche ? Parce que faire grimper sa note, c’est devenu comme un jeu. C’est même devenu un critère de fierté, certains vantent leur score sur les réseaux sociaux. Et en plus, pour les bons élèves, il y a des réductions à la clé.

 

Là où ça devient vertigineux… c’est qu’Alibaba a passé un partenariat… avec les tribunaux locaux. C’est ce que raconte Séverine Arsène, sinologue). Si le client a grillé un feu rouge, qu’il a une amende ou une affaire judiciaire en cours… sa note chez Alibaba baissera. Données privées + données publiques… on voit bien à l’avenir comment le gouvernement pourrait, en travaillant avec ces géants du web, se constituer une base géante d’informations sur chaque citoyen.

 

Sous couvert de promouvoir l’honnêteté et la fiabilité des citoyens, la Chine développe donc l’outil de surveillance et de contrôle de l’opposition le plus puissant qu’il soit…

 

Oui et les plus alarmistes y voient une mise en garde pour les sociétés européennes, où s’est développé avec internet une culture de la performance et de l’évaluation permanente. Celle qui nous pousse par exemple à noter notre chauffeur Uber, à s’évaluer les uns et les autres  sur Ebay… ou à céder les yeux fermés  toutes nos données à Google parce qu’à court terme ses services nous facilitent la vie. En Chine ou ailleurs, à l’heure du « big data », Big Brother n’est jamais bien loin.