EDITO - "Les gestes de lutte contre le racisme ne devraient absolument pas être interdits aux JO"

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Mardi, Virginie Phulpin s'attaque à une règle imposée aux athlètes qui participent aux Jeux Olympiques : la neutralité politique. Elle aimerait que le CIO autorise les sportifs à poser certains gestes, notamment contre le racisme, comme Tommie Smith et John Carlos aux JO de Mexico en 1968. 

Le sport français est en émoi après les tags racistes découverts sur des portraits de nos champions sur les grilles de l’INSEP. Pour vous, il faut agir, et le CIO doit assouplir ses règles qui interdisent aux athlètes tout geste de lutte contre le racisme aux Jeux olympiques.

Je vous propose de faire un petit test autour de vous. Demandez aux gens qui vous entourent quelles images les ont le plus marqués dans l’histoire des Jeux olympiques. Il y aura quelques records, des victoires françaises comme celles de Marie-José Pérec à Atlanta ou Laure Manaudou à Athènes, des duels épiques, bien sûr. Mais je veux bien parier avec vous, il y aura forcément, et même surtout, ce podium du 200 mètres aux JO de Mexico en 1968.

Tommie Smith et John Carlos qui lèvent leur poing ganté de noir, les yeux rivés au sol, pour protester contre le racisme aux Etats-Unis. C’est ce geste qu’on a retenu, beaucoup moins le fait que Tommie Smith ait battu le record du monde ce jour-là. Alors ils sont très vite passés du podium à l’enfer, ces athlètes, puisqu’ils ont été interdits de compétition à vie. Pas de politique aux JO, la charte est très claire. Elle n’a pas changé depuis 1968. Et je trouve que c’est là qu’il y a un problème.

Evidemment qu’il ne faut pas de politique partisane ni de prosélytisme religieux. Mais si cette image de Mexico a eu un tel impact et que tout le monde l’a en tête aujourd’hui encore, c’est justement parce que les JO véhiculent, intrinsèquement, les valeurs d’égalité entre les êtres humains. Et pour moi les gestes de lutte contre le racisme ne devraient absolument pas y être interdits, ils font partie de l’olympisme, et je trouve que les autoriser serait un geste fort à un moment où on en a tant besoin. John Carlos, l’un des protagonistes du podium de Mexico, a d’ailleurs signé il y a quelques jours une lettre pour demander un changement au CIO. 

Oui mais le CIO a déjà dit que le genou à terre, symbole du Black Lives Matter, serait interdit aux JO de Tokyo.

On ne sait pas encore si ces Jeux olympiques de Tokyo pourront vraiment avoir lieu, et s’ils ont lieu, on n’a pas de certitude sur le moment où ils se dérouleront, ni dans quelles conditions. Il y a un paquet de questions qui se posent avec la pandémie, et c’est normal de ne pas avoir de réponses définitives pour l’instant. En revanche, la seule chose dont on soit certain, c’est que les sportifs n’auront pas le droit de mettre un genou à terre. Est-ce que c’était vraiment une urgence de se prononcer là-dessus de la part du CIO ? On ne sait pas si vous pourrez courir ou nager, mais en tout cas, vous ne pourrez pas montrer que vous luttez contre le racisme. Je trouve qu’on envoie un mauvais message. Et les tags répugnants découverts sur les photos des champions français dimanche sont une preuve de plus que la bataille est loin d’être gagnée, et qu’il faudrait peut-être repenser ce qu’on considère comme politique aux JO.