Chaque matin, Michaël Darmon évoque un sujet précis de la vie politique.
La Chine et la France semblent être dans une opération de séduction.
Les responsables Chinois multiplient les marques de prévenance. Récemment, le ministre des Affaires Extérieures du parti communiste chinois a passé plusieurs heures en compagnie du ministre des Affaires Étrangères français, Jean-Yves Le Drian. Et dans les couloirs du G20 de Buenos Aires, le numéro un chinois Xi Jinping a confirmé à Emmanuel Macron qu'il se rendra en France début 2019 au premier semestre, selon les informations d'Europe 1. Au quai d'Orsay, on souligne que tout ce qui peut permettre de faire avancer les grands sujets de matière multilatérale est bon à prendre et en particulier sur les questions du climat.
La vérité est pourtant moins angélique. Les Chinois sont forcés de rabattre leurs ambitions commerciales sous les coups de boutoir des États-Unis. La fermeté de Donald Trump face à la Chine porte ses fruits et le projet "Chine 2025" est revu à la baisse. Les Chinois se font d'ailleurs retoquer en particulier sur le domaine des télécoms et de leur projet de contrôler le marché mondial de la 5G. Donc en attendant des jours meilleurs, c’est-à-dire le départ de Donald Trump, Pékin réoriente ses ardeurs vers l’Europe moins en capacité de créer un rapport de force.
Et le projet d’expansion planétaire chinois passe par la France et pas n'importe où.
La route de la soie passe par Marseille. Les "nouvelles routes de la soie", c’est le projet d’influence économique, énergétique et numérique développé par les Chinois. Il s'agit d'un projet de monde global, soit un empire nouveau qui englobe des routes qui vont de l'Asie centrale jusqu'à la Méditerranée.
Depuis l’an passé, les autorités du port autonome se démènent en tout cas pour figurer sur la carte des nouvelles voies commerciales que la Chine déploie. Et pour y parvenir, le port provençal convoque même Deng Xiaoping, le père de l’ouverture économique chinoise, qui avait débarqué à Marseille à son arrivée en France en 1920.
Début 2018, le groupe chinois Quechen a annoncé l’implantation d’une usine de silice à Fos-sur-Mer, dans les Bouches-du-Rhône pour 2021. Le port de Marseille mise aussi sur une route de la soie numérique. En 2020, un câble sous-marin chinois – baptisé Peace – devrait relier Marseille à Gwadar, au Pakistan – et à partir de là, à la Chine.
Les dirigeants français sont attentifs aux routes de la soie perçues au sommet de l’État comme une conquête pacifique, un diagnostic pragmatique, naïf ou résigné, selon Michaël Darmon.
Dans une Europe affaiblie, la Chine ne rencontre aucune résistance. Il faut admettre que les routes de la soie dessinent un monde vraiment nouveau. Un monde où, aujourd'hui déjà, une décision prise à Astana au Kazakhstan a plus de poids qu'une prise de position à Rome où Madrid. Et nul doute que ces grands engrenages sont perçus par les peuples d'Europe.
Lorsque le numéro un Chinois sera à Paris en 2019, la courtoisie et le sens de la diplomatie chinoise arriveront à masquer cette réalité : la Chine assume sa vision d'un nouvel ordre planétaire qui referme la parenthèse de la domination occidentale.