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Chaque dimanche, Hervé Gattegno, directeur de la rédaction du "Journal du dimanche", livre son édito sur Europe 1.

Bonjour Hervé Gattegno. Ce matin vous voulez nous parler du lancement par Emmanuel Macron, cette semaine, de la campagne pour les élections européennes – avec cette tribune publiée mardi et un drôle de clip de campagne de son parti, la République en marche, qui vous a laissé perplexe. Pourquoi ?

Je dirais même qu’il m’a laissé pantois, ce clip de campagne. C’est une série d’images choc, avec un montage saccadé, où on voit des rivières en crue, des manifestations violentes, des défilés de militants avec des drapeaux noirs, la surface de la mer polluée - donc pour être clair, une vision de cauchemar. Et puis en fond sonore, la voix d'Emmanuel Macron qui s’adresse aux électeurs sur un ton presque menaçant pour leur dire : "Vous n’avez pas le choix." Pour qu’il n’y ait aucun doute, on voit aussi des leaders d’extrême-droite (Marine Le Pen, Matteo Salvini, Viktor Orban) et puis la signature du traité de Rome, la chute du mur de Berlin, Mitterrand et Helmut Kohl main dans la main.

 

>> Le clip de campagne de La République en marche : 

 

Sans être un grand sémiologue, on comprend que le message d’Emmanuel Macron, c’est : il faut voter contre les nationalistes, c’est-à-dire pour moi. Alors je comprends que pour un clip de campagne, il faut un propos un peu réducteur ; mais il me semble que là, on est dans la caricature.

Cette traduction en vidéo du "Moi ou le chaos", vous y voyez un dérapage ou une stratégie de campagne de la part d'Emmanuel Macron ?

Si c’est un excès de zèle des communicants de son parti, c’est regrettable – il faudrait plutôt qu’ils aillent tourner des films d’horreurs. Mais le plus probable, c’est ce clip a été approuvé par l’Elysée parce que ça correspond tout à fait au discours que tient Emmanuel Macron depuis des mois. Qu’il veuille s’opposer aux populistes – et qu’il préfère d’ailleurs les appeler des nationalistes ou des extrémistes, ce n’est pas moi qui le lui reprocherai. Mais là où il y a quelque chose de discutable, d’un peu malsain même, c’est de réduire le débat des européennes à une opposition binaire entre lui, Emmanuel Macron, et ceux qui veulent déconstruire l’Europe.

C’est son intérêt électoral, on peut le comprendre, mais c’est un pari dangereux parce qu’il revient à nier les différentes visions de l’Europe qui peuvent exister – et qui existent – entre les partisans de la construction européenne. Je ne crois pas qu’on puisse enrôler de force les électeurs en leur faisant peur.

C’est peut-être vrai mais Emmanuel Macron n’oublie pas que c’est cette configuration qui l’a conduit au pouvoir, après son deuxième tour face à Marine Le Pen. Comment lui reprocher de vouloir recommencer ?

Sauf qu’en 2017, Emmanuel Macron n’a pas choisi cette situation – ce sont les électeurs qui l’ont provoquée. Ensuite, c’est vrai que le combat a été déséquilibré parce que la grande majorité des partis et des électeurs s’est ralliée à Emmanuel Macron pour faire barrage à Marine Le Pen. Maintenant, tout a changé : Emmanuel Macron est au pouvoir, il a sa propre majorité, il a une politique (qu’on peut approuver ou pas) – et il y aurait une forme d’esquive à se présenter à nouveau comme le rempart face à l’extrême-droite. Ce qu’on attend de lui, c’est qu’il formule des propositions pour changer l’Europe, qu’il explique quelles sont les solutions européennes aux problèmes des Français et qu’on puisse comparer ses solutions avec celles des autres – parce qu’il n’est pas le seul à vouloir changer l’Europe sans la faire reculer.

Il a commencé dans sa lettre qui a été publiée dans toute l’Europe – et dont le texte était moins grandiloquent que d’habitude. Espérons que c’est un début. En tout cas, si, on compare le texte et le clip, on peut dire qu'Emmanuel Macron est meilleur à l’écrit qu’en image.