Chaque dimanche soir, François Clauss conclut les deux heures du Grand journal de Wendy Bouchard avec une mise en perspective toute personnelle de l'actu.
"Et si c’était cela l’image de la semaine ? Celle de ces sourires narquois d’une troupe de dauphins envahissant les ports de Sardaigne abandonnés des ferrys et celle de ce grand prédateur destructeur qu’est devenu l’Homme, désormais confiné dans sa tanière.
Et si c’était cela qu’il ne faudrait pas oublier dans quelques semaines, quand nous sortirons à nouveau à Paris dans un air d’une pureté que nous n’avons jamais connu, nous, notre génération ?
Et si c’était cela le monde de demain, celui d’une petite fille de trois ans s’émerveillant du cri des oiseaux au petit matin qu’elle n’avait jamais eu l’occasion d’entendre jusque-là ?
Comme si ce maudit virus, si destructeur et si douloureux en ce moment pour tant de gens, était aussi quelque part ce signal que tant de scientifiques nous ont envoyé depuis tant de temps et que nous n’avons ni voulu, ni pu entendre ?
Le sourire d’une petite fille devant une compagnie de dauphins qui re-colonise son territoire pendant que son grand père, seul dans son Epadh, se retrouve enfermé dans une chambre de dix mètres carrés. Comme un monde qui s’éteindrait doucement face à un monde qui renaitrait. La douleur d’un virus qui nous étouffe, et l’espoir d’un monde où l’on respirerait mieux.
Un monde dans lequel les fabricants de voitures qui nous asphyxient fabriqueraient des respirateurs qui nous sauvent, comme Donald Trump vient de l’imposer, épidémie oblige, au géant de l'automobile américain General Motors.
Un monde dans lequel on donnerait un peu plus d’argent aux aides-soignants comme le gouvernement français, sourd à huit mois de grève mais qui soudain entend, et un peu moins de dividendes aux actionnaires, comme la Banque centrale européenne vient de le préconiser.
Un monde dans lequel les footballeurs assis sur des tas d’or penseraient soudain aux SDF allongés sur des trottoirs, comme Kylian Mbappé vient de nous le montrer.
Un monde qui ne se fermerait pas devant celui qui vient d’ailleurs et qui souffre, comme le gouvernement portugais vient de l’acter en régularisant et en offrant l’accès aux soins à tous ceux sur son territoire qui attendaient des papiers.
Un monde dirigé par des hommes qui ne penseraient pas qu’ils sont à leur place pour eux mais pour les autres, comme le virus vient de le signifier si violemment à Boris Johnson et à Donald Trump.
Oui, ce monde c’est aussi celui de l’époque que nous vivons au-delà de la douleur des pertes et de notre liberté insouciante et perdue.
Non, nous ne le réalisons pas vraiment, trop de douleurs, trop d’inquiétudes.
Non, nous ne le réalisons pas encore. Mais oui, nous ne devrons pas l’oublier.
Je ne voudrais pas en me promenant dans quelques semaines le long des côtes sardes avec ma petite fille, qu’elle me demande : "Mais, ils sont où les dauphins, papa ?""
