Cinquante ans de mai 1968 : et si Daniel Cohn-Bendit et ses amis avaient pris le pouvoir ?

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La commémoration des cinquante ans de mai 1968 s’approche à grands pas, et suscite déjà une abondante littérature. Dans son uchronie "Les 99 jours de Cohn-Bendit", Vincent Quivy imagine le leader soixante-huitard à l'Elysée.

Et si… et si "la révolution manquée que fut mai 68" avait triomphé ? Le grand écrivain américain Philippe Roth a écrit il y a quelques années une formidable uchronie politique, Le complot contre l’Amérique. Il imaginait qu’en 1941, l’aviateur Lindbergh avait succédé à Roosevelt, et, fort de ses sympathies nazies, avait signé un pacte de non-agression avec Hitler. Même principe pour un ouvrage signé Vincent Quivy, paru aux éditions l’Archipel, et intitulé Les 99 jours de Cohn-Bendit.

Vacance du pouvoir. Une histoire qui commence comme "pour de vrai", comme disent les enfants, par la disparition du général de Gaulle, le 29 mai 1968. Personne ne sait où il est, et si dans la réalité le président a fini par réapparaître au bout de quelques heures après un aller-retour à Baden-Baden, Vincent Quivy imagine que Daniel Cohn-Bendit et ses amis profitent de cette absence pour s'installer au pouvoir. Un récit presque vraisemblable qui dépeint le spectacle de tous ceux qui s’agitent pour récupérer un pouvoir déserté : une droite orpheline et incapable de réagir sans son grand homme, sauf à vouloir sans cesse faire donner l’armée pour déloger les gueux, des communistes et des cégétistes tout aussi inefficaces car complètement inféodés aux ordres de Moscou, François Mitterrand qui a toujours un coup de retard mais ne désespère à aucun moment de devenir "l’homme de la situation", Pierre Mendès-France qui se sacrifie pour former un gouvernement de cohésion nationale, après que Daniel Cohn-Bendit et ses amis ont pris possession de Matignon.

Un Conseil des ministres dans les effluves de marijuana. Evidemment Dany le rouge y est le meneur d’une contestation joyeuse et utopique. Il est nommé par Pierre Mendès-France secrétaire d’Etat à la jeunesse et aux sports, quand Jacques Sauvageot récupère l’Education, Serge July les universités, Bernard Kouchner un secrétariat d’Etat à la Santé, et François Truffaut à la Culture, rien que pour énerver Malraux. On les retrouve autour de la table du Conseil des ministres, dans des effluves de marijuana, prêts à réinventer le monde et le pouvoir.

"Tout est en ordre". Mais Daniel Cohn-Bendit à l’Elysée, l’expérience tourne court, moins parce que le vieux monde de de Gaulle reprend la main que parce que les luttes entre maoïstes, trotskistes, et autres gauchistes finissent par déloger, armes à la main, le déjà social-traître Dany. Le général conclut le livre : "Voyez Tricot, dit-il au secrétaire général de l’Elysée, rien n’a bougé, tout est en ordre". Cette politique fiction amusante permet de croiser tous les acteurs politiques, culturels et médiatiques de ces cinquante dernières années, qui ont échoué à changer la vie, mais qui changèrent tout de même la leur, au cours de cette parenthèse "enchantée" pour les uns, toujours synonyme de "chienlit" pour les autres.