Retour sur la pétition signée par des médecins et des patients pour interdire aux praticiens d'avoir des relations avec leurs patients

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Chaque matin, Roland Pérez évoque une question de droit en rapport avec l'actualité dans Europe 1 Bonjour.

Ce mardi, la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a été destinataire d’une pétition visant à intégrer dans le code de déontologie médicale, une interdiction qui ne fait pas l’unanimité à l’ordre des médecins.

Il s’agit de voir très explicitement interdire à un médecin quel qu’il soit, d’avoir une relation sexuelle avec une patiente.

Certains médecins seraient des prédateurs sexuels à en croire une pétition qui vient d’être adressée à la ministre de la Santé il y a tout juste 24 heures ?

Il est demandé que dans le code de déontologie médicale, il soit stipulé expressément l’interdiction pour les médecins d’avoir des relations sexuelles avec les patients dont ils assurent le suivi. Même si l’interdiction s’adresse à tous les médecins, sont visés plus particulièrement les psychiatres et les gynécologues.
Plusieurs femmes affirment avoir été victimes, comme elles le dénoncent dans cette pétition, de prédateurs sexuels en blouse blanche ou sur divan. C’est sur un forum, celui d’un médecin généraliste, que ces témoignages ont été initialement déposés, racontant avec force et détails comment certains thérapeutes avaient profité et abusé de leur vulnérabilité et de ce fameux amour de transfert, pour aller plus loin.

Le code de déontologie médicale actuel ne prévoit-il pas déjà ce type d’interdiction pour les psychiatres ?

En fait, le code d’éthique des psychanalystes le prévoit tandis que le code de déontologie effleure à peine cette interdiction dans son article 2. C’est plus loin dans les commentaires de cet article que le code évoque un comportement inadapté et notamment le fait de ne pas abuser de son ascendant de médecin, sur des patients vulnérables pour aboutir à une relation sexualisée.

La pétition va plus loin et souhaite que cette interdiction devienne un article à part entière dans le code de déontologie. Qu’en pense l’ordre des médecins ?

Pour le conseil de l’Ordre national des médecins par la voix de son vice-président, cette pétition est certes une prise de conscience et un rappel à l’ordre, même si l’ordre a toujours mené une lutte constante contre toutes sortes d’abus à caractère sexuel commis pas par des médecins. Cependant, il explique que l’ajout de ce nouvel article au code de déontologie aboutirait à un interdit absolu et ne serait pas conforme à l’article 8 de la convention européenne des droits de l’homme qui prévoit que toute personne a droit au respect de sa vie privée. Le débat reste donc entier d’autant qu’on ne peut pas totalement écarter la possibilité d’une véritable attirance partagée et libre.

Ce sont les affaires récentes Weinstein et #balancetonporc qui sont à l’origine de cette prise de parole avec cette pétition ?

En tout cas, c’est ce que pense l’ordre des médecins alors que du côté des victimes c’est plutôt l’impuissance de la loi à prendre en compte leurs plaintes qui les amènent à demander cette interdiction.
Selon elles, les relations sans violence, issues de la séduction et de la manipulation exercées par des médecins sur elles, sont le plus souvent perçue par la justice comme une relation entre adultes consentants.

D’où cette demande de modification du code déontologie médicale ?

Oui car le code a valeur réglementaire et donc la ministre peut prendre un décret qui sera intégré au code de la Santé publique et qui dira très clairement que le médecin doit s’interdire toute relations sexuelle avec les patients dont il a la charge. Et en cas de violation de cet article, les chambres disciplinaires de l’ordre des médecins pourront prononcer des radiations parfois définitives et donc très dissuasives.
Précisions qu’à ce jour, cette pétition a recueillie plus de 130 signatures dont le président de la Fédération des médecins de France, le psychiatre Christophe André et la présidente de l’association européenne contre les violences faites aux femmes, pour ne citer qu’eux.