Si la criminalité est effectivement en hausse en Basse-Saxe, le président des Etats-Unis l'extrapole à toute l'Allemagne.
Vrai Faux : l’incroyable affirmation, sur twitter, du président Trump.
Son court message a fait instantanément le tour du monde : "Les officiels ne veulent pas le dire", écrit-il, mais "la criminalité est en hausse de 10% en Allemagne depuis que les migrants ont été acceptés". Angela Merkel elle-même a dû démentir.
La criminalité a-t-elle augmenté de 10% en Allemagne à cause des migrants ?
Non. Mais si je vous en parle, ce matin, c’est parce qu’on est devant un cas d’école de fait alternatif. La statistique globale montre que la criminalité n’a jamais été aussi faible depuis 30 ans en Allemagne, mais une autre étude officielle accrédite les propos de Donald Trump. C’est pour cela que le Président s'autorise un ton si péremptoire : pour qu'une fake news fonctionne, elle doit s'appuyer sur une part de vrai.
Alors regardons le détail. Les dernières statistiques montrent un net recul de la criminalité en Allemagne, de 5% en 2017 (et même de 10% si l’on inclue les infractions liées à la présence sur le territoire.) Les faits impliquant des étrangers sont en baisse eux aussi, comme les actes violents, mais ils reculent de 2,4% après deux années de hausse, ce qui brouille le message. Et le chiffre que cite Donald Trump ne sort pas du chapeau : il émane d’une étude conduite à la demande du ministère allemand de la Famille dans l’Etat de Basse-Saxe.
Cet Etat est représentatif, il a accueilli beaucoup de migrants en 2015 et 2016, et la criminalité alors, à subitement bondit de 10%. On a cherché à comprendre pourquoi. L’étude a établi, à partir des affaires élucidées, que les nouveaux migrants étaient responsables de cette hausse à 92%.
Donc la vérité, c’est que la criminalité a augmenté de 10%, en Basse-Saxe, en 2015, à cause des migrants.
Et à partir de là, Donald Trump extrapole à toute l’Allemagne. Ce qui n’a pas de sens, parce que la situation a changé, comme le montrent les dernières statistiques, et parce que cette étude donne une foule d’informations qui nuancent sa portée. Les auteurs constatent que plus d’un quart des migrants accueillis dans cet Etat sont des hommes jeunes, entre 15 et 30 ans. Or c’est la classe d’âge la plus criminogène, quelle que soit la nationalité. Tous ne se comportent pas non plus de la même façon. Les migrants qui ont obtenu l’Asile commettent beaucoup moins de crimes que ceux qui ont été refoulés : l’absence de structures est un facteur puissant.
Enfin les victimes, et c’est une autre constante, rapportent beaucoup plus souvent les faits quand un étranger est en cause : ils cherchent le soutient de la police, même pour des actes mineurs (ce taux de recours aux forces de l’ordre, en cas d’auteur étranger, est 2,3 fois plus élevé.) Un autre enseignement est intéressant : plus les migrants s'intègrent, plus la violence s'estompe. Les auteurs appelaient donc à renforcer les structures d’accueil, et à élargir le regroupement familial pour lutter contre la solitude des jeunes migrants. Une stratégie radicalement opposée à celle que soutient Donald Trump. A partir des mêmes données.