La société française est-elle laïque ?

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Benjamin Griveaux affirme que la société française n’est pas laïque.

Vrai-Faux : la société française est-elle laïque ?

Le discours d’Emmanuel Macron devant les Évêques de France a ulcéré une partie de la gauche, qui accuse le président de torpiller la laïcité, en évoquant un lien qu'il faudrait "réparer" avec l'Église. Ses proches, en tentant de l'expliquer, comme Benjamin Griveaux, n'ont pas éteint l'incendie. 

"L'État est laïc en France, mais la société française n'est pas laïque".

La société française n’est pas laïque. Vrai ou Faux ?

Cela dépend de la définition qu'on donne au mot société. Si l'on parle d'une entité purement juridique, alors oui : la laïcité, en droit, ne s'impose qu'à l'Etat et à ses représentants, c'est un principe de neutralité. Il garantit à tous le droit de croire ou de ne pas croire, l'Etat ne reconnaît aucun culte et chacun peut exprimer ses convictions, tant que cette expression ne trouble pas l'ordre public. La société, en droit, n'est donc pas laïque : elle est libre, et c'est sa liberté de conscience que les lois de la République garantissent.

Mais si l'on parle en terme sociétal, ce détachement de la religion s’impose évidemment à toute la société : il imprègne ses structures, son organisation, et ses lois puisque, c’est une conséquence de notre Révolution, la Nation est devenue le principe de toute souveraineté. Le lien qui unit depuis l'ensemble des citoyens, c'est la République, plus un lien divin : notre laïcité, dans l’esprit, protège l’État contre l'influence des Églises qu'il a longtemps subies. Ailleurs, comme aux États-Unis, c’est l’inverse : ce sont les Églises que la laïcité protège contre l’autoritarisme de l’État. Cela explique, à la fois, ces perceptions différentes, et la rigueur de nos lois qui restreignent davantage l’expression des religions. L’interdiction des signes religieux à l’école en est un exemple : cela n'existe presque nulle part ailleurs dans le monde.

La laïcité est donc une part de l’identité française.

Elle l’est devenue. Et cela explique pourquoi la société française est l’une des moins religieuses au monde. Les statistiques religieuses sont interdites, mais on dispose d’une source précise : l’étude Trajectoires et Origines que réalisent l’Ined et l’Insee auprès de 22.000 Français. Près de la moitié d'entre eux, 45%, se déclarent sans religion, et selon un sondage d’ampleur de l’institut Gallup, 18% des Français s’affirmaient athées en 2015. C’est 3 fois plus qu’aux États-Unis, et le double de la proportion dans le monde (9%). La pratique active d’une religion est en fait très minoritaire, aujourd’hui : seuls 6% des français vont régulièrement à la messe, un tiers des musulmans (31%) à la mosquée. La pratique est plus prononcée chez les immigrants , c’est classique : parce que la religion comble les ruptures sociales, ou culturelles. Et comme l’immigration est forte en France, cela entretient cette perception, dans l’opinion, que la laïcité serait menacée. La polémique autour des propos du président révèle deux écoles face à ce problème : ceux qui pensent qu’ils faut étouffer ces manifestations, qu’ils voient comme du prosélytisme, pour protéger l’unité de la République, et ceux qui redoutent au contraire que les contraintes n’aggravent la situation et voudraient assouplir notre conception de la laïcité : c’est bien ce dont est soupçonné, aujourd’hui, Emmanuel Macron.