La plupart des mis en examen sont-ils innocents ?

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Dans l'affaire Bygmalion, la requête de renvoi en correctionnelle de Nicolas Sarkozy pour financement illégal de campagne donne des sueurs froides à ses supporters… Hier sur Europe 1, Bruno Retailleau, le président du groupe Les Républicains au Sénat, est monté au front pour minimiser la portée de l’annonce.

Bruno Retailleau déclare :  "La plupart des mises en examen souvent se traduisent par des non-lieu, finalement de l'innocence." C'est faux : sur les 34 700 personnes mises en examen dont l’affaire a été traitée, en 2014, seules 18% ont obtenu un non-lieu, parce que le juge d’instruction a estimé que les charges étaient  insuffisantes, ou que les faits étaient prescrits. Mais attention : non-lieu ne veut pas dire innocence : si des faits nouveaux survenaient ces affaires pourraient se rouvrir.
Qu’en est-il ensuite, de ceux qu’on a jugés, qui sont allés devant le tribunal : là encore les chiffres sont sans appel : un peu plus d’un sur 10 ont été relaxés, en correctionnelle, cela veut dire que le taux de condamnation des mis en examen frise les 90 %, on est loin, sinon à l’opposé, de ce qu’affirme Monsieur Retailleau. On va dire qu’il a pu se tromper de bonne foi, avec 2 hypothèses. Soit il confond les non-lieux avec l’abandon des poursuites, ces classements sans suite que le procureur prononce quand l’enquête n’a rien donné, ou qu’on n’a pas trouvé de coupable… ce taux effectivement est de 70%, mais il n’a rien à voir avec les mis en examen. Soit, et ce serait plus logique, il confond avec les relaxes pour des faits de la même nature que ceux qui sont reprochés à Monsieur Sarkozy… et là effectivement, les statistiques s’inversent : c’est le service central de prévention de la corruption qui les tient. Il nous apprend que 406 élus ont été poursuivis pour des faits de manquement à la probité, entre 2006 et 2014 : seuls 42% ont été condamnés. Mais attention : les affaires de financement illégal de campagne sont si rares que les statistiques n'en tiennent pas compte. Sachez également, que les procédures sont longues, 5 à 6 ans en moyenne… un quinquennat, voyez… Donc M. Retailleau peut se rassurer, les foudres de la justice ne frapperont sans doute pas, avant la prochaine présidentielle, en 2022.