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SAISON 2017 - 2018

Ce samedi, Catherine Nay décrypte le succès inattendu du livre de François Hollande dans lequel il revient sur son mandat : "Les leçons du pouvoir".

 

Bonjour Catherine,

Bonjour Wendy, bonjour à tous.

Avec son livre "Les leçons du pouvoir", François Hollande s'offre un retour dans le jeu politique. Sa tournée des libraires prend des allures de campagne électorale. On s'interroge : que veut-il ?

Avec plus de 100.000 exemplaires vendus, il caracole en tête des meilleures ventes, à la surprise de son éditeur. Un an après avoir quitté l'Elysée, voilà qui lui met du baume au cœur. Il refait ce qu'il a toujours aimé faire, du temps où il était député ou Premier secrétaire : il sillonne la France, va à la rencontre des gens, serre des mains, fait des selfies, embrasse, sourit. Les sympathisants font la queue pendant des heures devant les librairies ou les maisons de la presse. Il arrive sous les applaudissements. C'est un moment heureux de sa vie.

Et il occupe aussi le terrain médiatique.

Il répond à toutes les sollicitations : les matinales de radio ou de télé et partout où on l'invite, il distribue ses bons mots et quelques tâcles sur Emmanuel Macron, président des très riches, formule qui a fait mouche. Il est devenu en trois mois la deuxième personnalité politique préférée des sympathisants socialistes, alors qu'Olivier Faure, le nouveau Premier secrétaire, n'a pas encore réussi sa percée : 52% des sympathisants n'ont toujours pas d'avis sur lui. On enrage au parti socialiste.

Quel retournement ! François Hollande a été le Président le plus impopulaire de toute la cinquième République. Il y avait bien des raisons.

François Mitterrand, qui dans sa vie politique en aura connu des chutes et des désamours mais aussi quelles remontadas : 14 ans à l'Elysée, un record. Il le disait toujours : "les Français sont un peuple sans mémoire". François Hollande a écrit un livre pour faire le bilan de son quinquennat. Il l'a écrit avec des lunettes roses : l'autocritique s'y trouve à doses homéopathiques. Il vante au contraire tous ses choix économiques, son sérieux budgétaire - que la Cour des Comptes vient de récuser, chiffres à l'appui. S'il avoue quelques erreurs : l'affaire Leonarda, ou d'avoir proposé la déchéance de nationalité, il pense surtout que s'il a échoué, c'est la faute aux frondeurs, au patronat, aux médias moutonniers pour lesquels l'anecdote supplante le sens. L'écume est regardée comme la mer.

Invité de la Fondation Jean Jaurès jeudi soir, et interrogé par trois intellectuels qui ne le ménageaient pas, il a revendiqué avec fierté ce qu'il avait fait.

500 personnes, dont 80 journalistes, étaient là. Bien sûr, là encore il a reconnu quelques erreurs, comme de ne pas avoir donné une circonscription à Bayrou, ou s'y être mal pris avec les syndicats pour la Loi El Khomri. Mais sa fierté la plus grande, "c'est quand on me dit que j'ai présidé humainement". Et tac, vous l'avez compris, c'est une allusion au pouvoir jupitérien, qui lui serait inhumain.

Il montre surtout que son goût pour la politique est intact.

On perçoit une envie de revanche sur Macron, lorsque François Hollande plaide, "L'ancien monde, c'est le mien et il a de l'avenir parce que ça s'appelle la démocratie, avec des partis, des syndicats, un parlement, des élus, une presse". Une comparaison au nouveau monde, celui de Macron, qui prend trop de distance avec les corps intermédiaires. Un accident de l'histoire, croit-il. Il y a un espace considérable entre Jean-Luc Mélenchon, qui amène les mouvements sociaux vers l'échec, et Jupiter qui fait une politique qui n'est pas celle qu'il avait annoncée. Il y a un vide à gauche, un grand espace qu'il faudra combler.

Mais de là à se poser comme un recours.

Beaucoup de gens lui disent qu'ils auraient voulu qu'il se présente et participer à sa campagne. Lui répond : "Je suis un sortant, pas un perdant", comme s'il tirait gloire d'avoir renoncé au combat. Il est vrai que les conditions n'étaient pas requises : 82% des Français ne le souhaitaient pas. Mais voilà : il veut y croire encore. "Quand je vois tous ces gens, j'y pense". Il y décèle le signe d'un désir de son retour. Nicolas Sarkozy, qui a vendu plus de 300.000 exemplaires de ses ouvrages et connu la ferveur des militants, y a cru lui aussi. Mais c'était un mirage, c'était confondre un bois flotté avec une forêt de bambous. La ferveur des militants, ce n'est pas tout le pays.