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SAISON 2017 - 2018

Ce samedi, Catherine Nay revient sur les hommages à Jean d'Ormesson et Johnny Hallyday.

Bonjour Catherine,

Bonjour Julien, bonjour à tous.

Hier, la France rendait un hommage national à Jean d'Ormesson en la Cathédrale des Invalides puis dans la cour d'honneur. Aujourd'hui, des centaines de milliers de personnes rendront un hommage populaire à Johnny Hallyday en suivant le convoi funéraire des Champs-Elysées à la Madeleine. On vit depuis mardi une étrange séance.

En effet. A 24 heures d'écart, deux hommes qui accompagnaient nos vies depuis toujours sont partis, réunis par cette triste coïncidence. Certes, il y avait eu un précédent. L'immense chanteuse Edith Piaf, morte un 10 octobre et l'écrivain Jean Cocteau le lendemain. Des deux, il avait été le moins célébré. Ce qui avait fait dire à Jean d'Ormesson sur le plateau de Thierry Ardisson : "Pour un écrivain, il faut bien choisir sa mort et ne pas partir en même temps qu'une vedette." Mais pour nos deux disparus, l'émotion est égale.

D'ailleurs, on s'interroge : pourquoi une telle ferveur autour de leur disparition ?

Parce qu'ils étaient des enchanteurs, à savoir des êtres qui entraînent les cœurs. Une espère rare. Le premier, écrivain prolixe, devenu populaire comme une star de scène, plaisait à tous parce qu'il avait cette grâce lumineuse, contagieuse, jubilatoire. Il savait nous convaincre qu'il n'y avait rien de mieux que la vie. "C'est épatant", disait-il si souvent. Espiègle et élégant, il représentait la quintessence de l'esprit français. On aimait le lire, l'entendre, disant des choses à la fois légères et profondes. "Il semblait fait pour donner aux mélancoliques le goût de vivre et aux pessimistes, celui de l'avenir", disait hier Emmanuel Macron dans un superbe éloge funèbre.

Le second, légende vivante était un oxymore à lui tout seul, à la fois gendre idéal et bad boy, subversif et bourgeois, ange et démon. Un homme attachant. Les gens l'aimaient parce qu'il avait souffert comme eux. Il avait connu l'abandon dans l'enfance, des chutes, des rebonds, des creux, des douleurs. Et puis il avait pris sa revanche sur la vie. Mais surtout, on l'aimait parce qu'il était un chanteur exceptionnel, qui envoyait, comme on dit. Sur scène, il se donnait corps et âme, à une foule à la fois sentimentale et délirante, qui lui renvoyait la pareille. Là, il y avait un véritable échange. Et le spectacle, il était là aussi. Et c'est ainsi que Johnny est devenu un héros, un mythe.

Ils avaient donc en commun le talent de rassembler.

Oui, mais beaucoup d'autres choses aussi. Tenez, l'un est né un 15 juin, l'autre le 16, deux gémeaux, aux yeux bleus. Et ils ont beaucoup joué de la prunelle auprès des dames. Tous deux, dotés d'une vitalité hors du commun, avaient la passion de leur métier. "La littérature était pour Jean d'Ormesson son pays, sa religion. Il n'a jamais vécu que pour elle", disait hier Jean-Marie Rouart, dans la cathédrale des Invalides. Jean d'Ormesson, entré de son vivant dans La Pléiade, a fini d'écrire son ultime ouvrage samedi dernier.

Et pour Johnny Hallyday, son pays, sa religion, c'était la musique. Encore et encore avec un palmarès inouï : 101 Bercy, 266 Olympia, 144 Palais des Sports et des tournées à travers la France, à répétitions. Il fallait être un athlète de haut niveau pour tenir un tel rythme. Même malade, il n'a pas lâché. Sa dernière tournée avec ses potes, Eddy Mitchell et Jacques Dutronc : 17 représentations. Le public s'extasiait du souffle qu'il avait toujours. Incroyable pour un quelqu'un qui avait avoué souffrir d'un cancer du poumon. Mais le public ignorait qu'entre deux chansons, il repartait en coulisses sous une tente à oxygène et devait subir le lendemain du concert une transfusion. Jusqu'au dernier moment, il pensait à la suite. Il avait en chantier un nouvel album. 

Et puis tous deux - et voilà pourquoi ils plaisaient - parlaient d'amour.

Ces deux hédonistes étaient des grands séducteurs, on le sait et ils ont bien profité de la vie. Mais ils savaient comme personne nous le dire et le chanter : que la vie n'est rien sans amour. On aimait chez eux cette ouverture, cette générosité qui les portait vers les autres... Ils étaient classés à droite... L'un et l'autre avait apporté leur soutien à Valéry Giscard d'Estaing, Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, qui avait marié Johnny avec Laeticia. Mais ils n'étaient pas sectaires. François Mitterrand avait convié Jean d'Ormesson pour son dernier petit déjeuner à l'Elysée.