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SAISON 2017 - 2018

Ce samedi, Catherine Nay décrypte la réforme institutionnelle d'Emmanuel Macron qui est présentée au conseil des ministres à la mi-avril.

Bonjour Catherine,

Bonjour Wendy, bonjour à tous.

La grande réforme institutionnelle voulue par Emmanuel Macron sera présenté en Conseil des ministres à la mi-avril. Le Premier ministre a déjà entamé une série d'entretiens avec des parlementaires. Mais la réforme qui s'annonçait brûlante pourrait être explosive.

Les grandes lignes, on les connaît : 

- La réduction du nombre des parlementaires, annoncée en grande pompe par Emmanuel Macron à Versailles devant les parlementaires réunis en congrès.

- La limitation du cumul des mandats dans le temps, à savoir pas plus de trois mandats successifs pour un élu, député ou sénateur.

- L'introduction d'une dose de proportionnelle.

Mais voilà qu'Edouard Philippe en rajoute encore. Pour éviter que les débats parlementaires traînent en longueur, rendre plus efficace le travail législatif, il voudrait limiter le droit d'amendement des députés. Et il est vrai que l'inflation d'amendements est réelle depuis quelques années. Or pour un député, ce droit est sacré.

Mais le Premier ministre voudrait, en plus, que le nombre d'amendements autorisé soit proportionnel à la taille du groupe politique, ce qui veut dire que plus on est petit dans l'opposition, moins on a de chance de se faire entendre. Les communistes, la France Insoumise, sont vent debout. Est-ce le jeu tactique, sophistiqué, de Matignon, pour créer des rapports de force, négocier sur autre chose ? On est dans une phase d'échauffement.

A travers cette grogne qui monte, c'est l'exercice du pouvoir jupitérien qui est visé.

En effet, depuis qu'il est élu, Emmanuel Macron ne cesse de se démarquer des corps intermédiaires. Il les contourne, les cantonne, voire les brutalise, donc, les humilie. Partant du postulat qu'il a raison, et que les autres ont tort et lui font perdre du temps. Il s'extrait du jeu politico-médiatique - pour lui, des gens à ne pas fréquenter. Il est un despote démocratique éclairé. Parce que le nouveau monde, c'est quoi ? C'est un Président tout puissant, un gouvernement soumis qui le craint et une assemblée déférente où les frondeurs n'ont pas droit de cité.

Et quand l'opposition joue son rôle, la seule réponse du gouvernement est de fustiger le conservatisme de l'ancien monde. Manuel Valls, lui-même, dénonce une tentative d'écraser la représentation nationale.

Avec Emmanuel Macron, ça commence toujours par un numéro de séduction. Il vous jette un charme comme on vous jette un sort. Et si vous n'acquiescez pas, il menace et se montre implacable. Par exemple, il dit aux parlementaires : si vous ne voulez pas voter ma réforme constitutionnelle, je ferai un référendum.

Aujourd'hui, les Français approuvent massivement son projet. Mais les Français, il faut s'en méfier, tout dépend du moment où on leur pose la question.

Premier de cordée pour mener la fronde, Gérard Larcher, le président du Sénat, qui accuse Emmanuel Macron de nourrir l'anti-parlementarisme. Et aussi le populisme, par effet de mode, dit-il, ou démagogie. Gérard Larcher, c'est la réduction à trois mandats successifs. Il y voit une atteinte à la liberté des citoyens de choisir leurs élus et à la liberté d'être candidat. Il y a dans l'histoire de la République beaucoup d'hommes politiques célèbres qui ont fait 5, 6 mandats. Sans remonter à Clémenceau, citons François Mitterrand, Valéry Giscard d'Estaing, Jacques Chirac.

Mais la réduction du nombre de parlementaires, François Fillon et Nicolas Sarkozy la proposaient.

Oui, alors que notre pays n'est pas celui qui compte le plus de députés par habitant : 67 millions d'habitants, 577 députés et 348 sénateurs. En Grande-Bretagne : 65 millions d'habitants, 650 députés aux communes, où il n'y a pas de place pour tous en séance et 813 membres de la Chambre des Lords. Et en Allemagne, sans que cela ait donné lieu à débat : une centaine de sièges de députés supplémentaires ont été créé en 2017. Réduire le nombre de parlementaires risque de distendre le lien entre l'élu et la population. "Il faut faire attention, dit Gérard Larcher, car le citoyen a besoin de proximité".

Et la proportionnelle ?

Ça ne sera pas la proportionnelle intégrale, comme le préconiserait Jack Lang. Mais quelle idée ! On en voit les résultats en Italie, c'est un pays ingouvernable. Non, ce sera juste une dose, dit Emmanuel Macron. En réalité, il veut honorer son deal avec François Bayrou, qui l'exigeait pour pouvoir garder un minimum d'élus. Alors voilà, il y aura de la proportionnelle. Là, on revient à la vieille politique. "On n'est pas obligé, nous, de payer ces arrangements électoraux", s'emporte le Républicain Bruno Retailleau.

Alors, conclusion ?

La constitution, c'est le bien commun des Français. Est-ce qu'on peut imposer un vote brutalement, sans essayer d'obtenir un assentiment au sein des deux assemblées ? C'est un pari risqué, à au moment où le désarroi s'accroît dans les territoires.